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atteint en ce moment le total remarquable de 175,658 000 fr. A l’exception de 5 à 6 millions, tous ces votes ont pour point de départ une première loi datée du 17 juillet 1837. Les 101,600,000 fr., qui viennent d’être indiqués, sont complètement en dehors de ces 175,658,000 fr. Le total définitif des sommes votées, qu’on pourrait mettre en regard des 109 millions de dépenses moitié civiles, moitié militaires, projetées par le gouvernement anglais pour ses ports, approcherait donc déjà de 300 millions.

En 1846, on saisit les chambres d’un nouveau projet de loi qui devait enceindre Cherbourg de fortifications du côté de la terre, et le convertir en un camp retranché. Passe encore pour Cherbourg, qui, après tout, est un arsenal ; mais la ville pacifique du Havre devait subir le même sort, avoir une enceinte continue et une ceinture de forts détachés. Il devait en être de même de Saint-Nazaire. Les Havrais réclamèrent de toutes leurs forces. La dépense devait être grande : pour le Havre et Cherbourg ensemble, il s’agissait de 50 millions, sans compter les supplémens. Le projet fut donc remis à l’avenir. En 1847, il n’a pas été repris, mais il est toujours suspendu sur nos têtes, et les journaux rapportaient ces jours derniers, je ne sais avec quel fondement, qu’à la suite de conférences nouvelles on recommandait pour le Havre un projet dont le devis montait à 64 millions.

Ce n’est pas tout encore. Une commission d’ingénieurs distingués avait été nommée pour dresser un plan général de l’armement des côtes. Ce n’était pas une de ces commissions qui chez nous servent à enterrer les projets. Elle produisit un travail fort bien fait, qui embrassait un ensemble de fortifications à distribuer tout le long du littoral. La dépense avait été évaluée d’abord à 118,320,000 fr., indépendamment d’une somme de dix millions qui était nécessaire pour couler et monter 3,189 pièces d’artillerie avec leur approvisionnement de projectiles. Ces derniers dix millions sont fournis au moyen d’allocations successives dont on grossit le budget ordinaire. Sur l’autre somme qui a pour objet la construction des forteresses et des redoutes, les chambres avaient voté, en 1845, 21,350,000 fr. En 1846, le gouvernement avait demandé plus de 60 millions. Avec les perfectionnemens et additions, le total s’était déjà élevé de 118 millions à 140.

On ne vit jamais en pleine paix tant d’empressement et d’enthousiasme pour les préparatifs de guerre.

Il va sans dire que le budget de la marine proprement dit suivait la même impulsion. Un homme qui est reconnu pour avoir été un de nos meilleurs ministres de la marine, le baron Portal, regardait 65 millions comme le budget normal de ce département. Pendant trois années de suite, dans l’exposé des motifs du budget[1], il a

  1. Voir les exposés des motifs des budgets de 1820, 1821, 1822.