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le débat fut violent ; il le fut plus encore dans la presse, où l’usage subsista pendant quelque temps de donner au parti de la paix le nom de parti Pritchard.

A la fin de la même armée, sir Robert Peel, lord Aberdeen et lord Wellington, rentrés au pouvoir après une courte absence, donnèrent de leur politique pacifique un gage éclatant. Ils accomplirent une grande réforme douanière qui n’est rien moins que le commencement d’une révolution politique et sociale, ainsi que l’a justement dit le principal promoteur de l’entreprise, M. Cobden, dans un discours dont il sera bientôt fait mention. Jusque-là, malgré les suggestions et les plaintes de l’école de Turgot et d’Adam Smith, l’économie politique admise par tous les cabinets de l’Europe reposait sur un adage envieux et jaloux dont Montaigne s’était par hasard fait l’écho quand il avait dit que le profit de l’un fait le dommage de l’autre. L’économie politique moderne, mieux informée et plus morale, enseigne que les échanges internationaux enrichissent les deux contractans et encouragent le travail national de part et d’autre. Sir Robert Peel, en février 1846, vint se déclarer, en face du parlement converti à Adam Smith, et, pendant une longue discussion il bafoua de sa vigoureuse ironie le système soi-disant protecteur. Toute la législation commerciale de l’Angleterre commença d’être remaniée hardiment et retournée dans le sens de la liberté. Le premier pas, pas immense, fut d’adopter la liberté du commerce pour les céréales et tous les alimens les plus usuels. Ainsi la Grande-Bretagne désormais tire une grande partie de sa subsistance des autres contrées à travers les chances de la mer. Peut-on dire plus hautement qu’on veut la paix du monde et qu’on s’en fait le répondant ?

De notre côté, quel accueil a été fait à ces avances ? En 1840, avant le 15 juillet, on négociait péniblement un traité de commerce entre les deux états. Les négociateurs traitaient sur les vieilles bases du système mercantile. On se faisait de part et d’autre de mesquines concessions. Par la réforme douanière de 1846, l’Angleterre nous a donné, sans nous demander aucun retour, plus que nous ne lui avions demandé en 1840, en lui proposant quelques avantages qui au surplus auraient profité au public français autant qu’aux Anglais ; car, si vous me donnez de bonne quincaillerie à meilleur marché que la quincaillerie grossière dont il faut que je me contente en France sous le régime prétendu protecteur, apparemment j’y gagne, moi consommateur, autant que l’étranger qui me la vend. Et le producteur français lui-même, que je suppose intelligent, sous l’aiguillon de cette concurrence se réveille et marche à son tour. Cependant à la réforme anglaise de 1846, après avoir projeté quelque chose de très satisfaisant, l’administration française répondit par un projet de loi d’une extrême modestie, qui laissait subsister le scandale des prohibitions absolues ainsi que les outrages à la morale publique et à la liberté civile et individuelle