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dont il aurait le commandement particulier, à raison de sept sous par jour et par homme pour les premiers et de cinq sous pour les seconds. Pierre IV s’engageait encore à ne jamais conclure de paix ou de trêve avec le roi de Castille sans le consentement du comte de Trastamare. Je ne dois point oublier un article du traité de Pina qui indique assez clairement de quelles armes les nouveaux alliés comptaient faire usage. Il stipulait que, si don Fadrique passait au service du roi d’Aragon et lui faisait hommage, il aurait l’investiture de tous les biens appartenant à l’ordre de Saint-Jacques et dépendant de cette couronne[1]. Il est impossible de savoir si cette clause fut introduite avec le consentement ou à l’insu de don Fadrique, mais il y a grande apparence que les relations entre les deux frères n’avaient jamais été complètement interrompues. Quoi qu’il en soit, si cet article vint à la connaissance de don Pèdre, il dut accroître sa méfiance et ses soupçons contre le maître de Saint-Jacques qu’il crut d’intelligence avec ses ennemis.

Tandis que Pierre IV attirait à son service les émigrés castillans, la fidélité de ses sujets était mise à l’épreuve. Vers la fin de 1356, don Pèdre envoya dans le royaume de Valence l’infant don Fernand qui, venait de se dénaturer, c’est-à-dire de renoncer solennellement à l’hommage qu’il devait au roi d’Aragon comme à son seigneur naturel[2]. Don Pèdre espérait que l’infant allait rallier les restes des confédérés de l’Union. Mais les temps étaient bien changés ; nul vestige de ces passions si violentes qui avaient agité le pays neuf années auparavant. L’infant était oublié ainsi que l’Union. Pas une seule ville ne se déclara pour lui, pas un chevalier ne joignit sa bannière à la sienne. Après quelques escarmouches insignifiantes, il fut obligé de se replier honteusement sur Murcie devant les troupes conduites par don Pèdre d’Exerica et le comte de Denia. Il semblait n’être entré dans le royaume de Valence que pour faire éclater la fidélité du peuple qu’il prétendait corrompre. Alicante, la plus forte de ses places, chassa la garnison

  1. J’ai rapporté d’après Zurita le traité de Pina. Je n’ai pu trouver l’original dans les archives d’Aragon, mais seulement une convention nouvelle rappelant celle de Pina et datée de Saragosse, 20 janvier 1357. D’après un troisième traité daté de Saragosse, 30 août 1357, la solde des hommes d’armes est portée à 8 sous, et celle des génétaires à 6 sous. En temps de paix, le comte de Trastamare pourra conserver 400 hommes d’armes aux gages du roi, à raison de 3 sous et demi. Le roi d’Aragon ajoute que, dans le cas où son trésorier refuserait de payer au Comte les subsides promis, il s’engage à les acquitter sur sa casette particulière, quinze jours après la première sommation. On doit remarquer que, dans ce dernier traité de Saragosse, il n’est point question de don Fadrique ni des biens appartenant aux infans d’Aragon et donnés au comte de Trastamare. Il est à croire qu’à cette époque (août 1357) le roi traitait secrètement avec ces princes. Arch. gen. de Aragon, parchemins. Segona Caixa, n° 20. En 1356, don Henri n’avait pu encore rassembler le nombre d’hommes stipulé. Il n’avait, suivant les Mémoires de Pierre IV, que 300 hommes d’armes et autant de génétaires. Carbonell, p. 184.
  2. Cascales, Hist. de Murcia, p. 121.