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aucun reproche, n’eut aucune explication avec lui, et prit même de grandes précautions pour récompenser le scribe dont la révélation avait dissipé ses inquiétudes[1]. Quant à don Tello, à la première occasion il trouva le moyen de s’enfuir en Biscaïe, où, jusqu’à la fin de la guerre civile, il ne s’occupa plus que de ses intérêts particuliers.


III.

Malgré l’hiver, don Henri poursuivait ses conquêtes. Au milieu du mois de janvier 1368, il vint assiéger Leon et s’en rendit maître après un siège de quelques jours. De là il put donner la main à ses partisans dans les Asturies, qui, chaque jour, gagnaient du terrain sur les lieutenans de don Pèdre. Peu après, il s’empara de Tordehumos, malgré la résistance vigoureuse de la garnison. Dans un des assauts qu’il dirigeait en personne, il perdit un de ses plus braves compagnons d’armes, le comte d’Osuna, qui, loin d’hériter de la haine de son père, Bernal de Cabrera, pour don Henri, s’était entièrement dévoué à son service. Buitrago succomba pareillement après quelques jours de résistance ; Madrid, ville médiocrement peuplée, mais alors importante au point de vue militaire par les fortifications dont elle était entourée, se défendit avec succès pendant quelques jours ; mais un traître nommé Domingo Muñoz ouvrit une porte aux assiégeans, qui, pour punir les habitans de leur fidélité au roi légitime, livrèrent les maisons au pillage[2].

Par la prise de toutes ces forteresses, don Henri voyait son autorité solidement établie dans les provinces du nord ; il délibéra s’il pousserait avec toutes ses forces en Andalousie pour attaquer don Pèdre dans ses derniers retranchemens, ou bien s’il assiégerait Tolède, qui passait alors avec raison pour la plus forte place du royaume. D’un côté, les habitans de Cordoue, effrayés des préparatifs de don Pèdre, demandaient avec instances qu’on vînt les secourir ; mais, d’un autre côté, l’argent manquait pour une expédition lointaine, et la plupart des capitaines tenaient pour une haute imprudence de passer la Sierra-Morena, en laissant derrière soi l’armée renfermée dans Tolède. Cette opinion prévalut ; la richesse du pays offrait d’ailleurs un appât aux aventuriers, et l’espoir du butin les rendait moins exigeans à réclamer leur solde arriérée. Avant de commencer les opérations du siège, la reine doña Juana, accompagnée de plusieurs prélats, entre autres de l’archevêque de Tolède, vint s’établir à peu de distance de la place, essayant, par des séductions et des promesses, de déterminer les habitans à ouvrir leurs portes. Mais la garnison était nombreuse et fidèle ; elle se composait de

  1. Ayalla, p. 517, Abrev.
  2. Ayala, p. 529 et suiv.