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dans cette discussion, jusqu’à ce qu’il fût démontré que le trésor du roi était vide. Il fallut bien que le prince, qui s’était rendu caution de don Pèdre auprès des capitaines anglais, consentît à donner du temps à son allié pour l’acquittement de sa dette, mais il demanda pour sûreté vingt châteaux en Castille. Cette prétention blessante pour l’orgueil national fut fièrement rejetée. A chaque instant les difficultés augmentaient, et sur aucun point les commissaires n’étaient près de s’entendre. Le chiffre même des subsides dus était vivement contesté, et, après beaucoup de débats inutiles, les Castillans demandèrent que toute autre question fût ajournée, jusqu’à ce que, d’un commun accord, on eût réglé le montant des sommes dues par le roi. C’était une nouvelle question fort longue à traiter, encore plus malaisée à résoudre, car chaque partie présentait un compte auquel l’autre partie refusait son approbation. Quant à la cession des villes de Biscaïe, don Pèdre se montrait facile en apparence, et pressait même auprès de la députation provinciale l’exécution du traité de Libourne ; mais on l’accusait d’envoyer en secret des émissaires porteurs d’instructions toutes différentes. D’ailleurs, les hommes qui connaissaient les lois et les coutumes des Basques savaient bien que ces peuples ne reconnaissaient à personne le droit de disposer d’eux, et qu’ils étaient surtout fort éloignés de consentir à devenir les vassaux du roi d’Angleterre[1].

Les exigences des Anglais, les lenteurs calculées des Castillans, prolongèrent les négociations pendant plusieurs semaines. Après de vives discussions, les commissaires s’entendirent à la fin sur l’évaluation des frais de l’expédition, et, comme il était impossible de les solder en ce moment, il fut convenu que le prince de Galles demeurerait garant du roi auprès des capitaines anglais, créanciers de ce dernier. Don Pèdre promit de payer la moitié de la dette dans un délai de quatre mois, pendant lequel l’armée auxiliaire, soldée par lui, occuperait la province de Valladolid. Jusqu’au paiement définitif de tous les subsides, les princesses, filles de don Pèdre, devaient rester en otages à Bayonne. Des commissaires anglais et castillans furent chargés de procéder à la remise des ports de Biscaïe ; enfin il fut convenu que la ville et la seigneurie de Soria seraient données à Jean Chandos en paiement des sommes qu’il avait prêtées ou dépensées pour l’expédition. Sir Hugh de Calverly se fit également confirmer la donation du comté de Garrion, dont il avait déjà reçu l’investiture de don Henri. Tout étant ainsi réglé, les conventions furent ratifiées par les deux princes et jurées solennellement par eux dans la cathédrale de Burgos. Aussitôt après la cérémonie, ils se séparèrent, Édouard pour aller prendre ses quartiers dans la province de Valladolid, don Pèdre pour parcourir

  1. Ayala, p. 474 et suiv.