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de la Castille ; mais, en-deçà et au-delà de ces barrières, il y a de larges vallées qui ne sont séparées que par une ligne idéale. Ce sont de grandes voies ouvertes aux Castillans et aux Aragonais pour la guerre et le commerce. Au XIVe siècle, ces vastes débouchés étaient défendus du côté de l’Aragon d’abord par Tarazona, ville située au nord des montagnes de Moncayo, limitrophe à la fois de la Castille et de la Navarre ; au sud de ces montagnes, Calatayud et Daroca servaient de boulevard au Bas-Aragon ; entre la chaîne de Molina et celle d’Albacete, le royaume de Valence, presque entièrement ouvert aux incursions sur une longue frontière, n’offrait guère de place importante que sa capitale et la forteresse de Murviedro. L’extrémité méridionale de ce royaume, isolée par les montagnes d’Albacete, était gardée par trois places considérées alors comme très fortes, Alicante, Orihuela et Guardamar. Au moment où la guerre éclata, elles étaient occupées par des garnisons castillannes ou par les vassaux particuliers de l’infant don Fernand d’Aragon, dont elles étaient l’apanage.

Du côté de la Castille, une ligne semblable de villes fortifiées protégeait l’espace intermédiaire entre les trois chaînes de montagnes. Au nord, Agreda, sur l’extrême frontière, s’élevait opposée à Tarazona. Venaient ensuite, en descendant vers le sud, Almazan et Soria, placées dans l’angle rentrant de la sierra de Moncayo ; Medina-Celi et Molina entre cette chaîne et les monts de l’Albarracin ; Requena sur la limite occidentale du royaume de Valence ; enfin Murcie et les villes de l’Infant au sud de la sierra d’Albacete. Je n’indique de part et d’autre que les principales places d’armes, celles qui pouvaient servir de base à de grandes opérations militaires, et je néglige une foule de châteaux plus ou moins bien fortifiés qui jalonnaient du nord au sud cette longue frontière.

Chacune des villes de Castille que je viens de nommer avait ou une garnison ou des milices assez nombreuses et assez exercées aux armes pour faire des incursions dans leur voisinage. Diego de Padilla, avec les chevaliers de Calatrava et la bannière de Murcie, entra dans le royaume de Valence[1], où pénétraient en même temps de l’autre côté des montagnes d’Albacete les milices de la Castille neuve sorties de Requena. Au nord, Gutier Fernandez, parti de Molina, marchait sur Daroca et Calatayud[2]. Sur leur passage ils mettaient tout à feu et à sang. Les bandes castillannes, sans discipline, appelées tumultuairement aux armes par leurs seigneurs, ravageaient le territoire ennemi ave »c cette animosité qu’on remarque presque toujours chez les habitans des frontières contre leurs voisins étrangers. Surpris par cette

  1. Il ravagea le territoire de Castalla et de Homil, mais sans pouvoir prendre ces deux villes faute de machines. Cascales, Hist. De Murcia, p. 121.
  2. Il fut repoussé et battu par le comte de Luna. Ayala, p. 221.