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la main. Mais nul obstacle n’arrêtait ces intrépides vétérans. Ils franchirent les Pyrénées en bon ordre, et passèrent sur le ventre d’une armée française qui essaya vainement de les arrêter à la descente des montagnes[1].

Bien que don Henri n’ignorât pas que la Galice et quelques villes au nord de la Castille refusaient encore de reconnaître son autorité, il demeura près de quatre mois à Séville. Ce long séjour lui était nécessaire pour organiser son gouvernement et rétablir l’ordre, partout ébranlé après une si violente secousse. Il lui fallait tout à la fois négocier avec les rois ses voisins, satisfaire l’avidité de la noblesse, contenter les communes, obtenir de tous une obéissance désapprise pendant une anarchie de plusieurs mois ; enfin se préparer à une guerre sérieuse, car il ne se dissimulait pas que les Anglais, épousant la cause de don Pèdre, tenteraient quelque effort puissant en sa faveur. Loin d’attendre des secours de ses anciens alliés, don Henri avait à craindre maintenant les exigences du roi d’Aragon. Il s’empressa de lui envoyer Du Guesclin. Tour à tour général et diplomate, le rusé Breton allait employer toute l’autorité de son nom à resserrer l’alliance tant de fois jurée avec Pierre IV. De Barcelone, Du Guesclin, après avoir sondé en passant les dispositions du roi de Navarre, avait pour mission de passer en France et de solliciter l’appui de Charles V contre l’invasion anglaise. En même temps don Henri dépêchait à Lisbonne un autre étranger, Mathieu de Gournay, pour obtenir du roi de Portugal qu’il demeurât neutre dans la lutte qui allait s’ouvrir[2]. Pierre de Portugal, par la manière dont il avait traité don Pèdre fugitif dans ses états, avait montré assez clairement quelle était sa politique, et Mathieu de Gournay rapporta de sa mission les assurances de paix les plus satisfaisantes.

Dès que don Henri crut pouvoir quitter Séville, il se dirigea à grandes journées vers la Galice, dans l’espoir d’y anéantir les restes de la faction ennemie, avant qu’elle pût être secourue par l’intervention étrangère. A son approche, toutes les villes ouvertes lui envoyèrent leur soumission ; mais don Fernand de Castro avait concentré ses forces dans Lugo, et s’y défendit avec vigueur. Après un siége ou plutôt un blocus de quelques semaines, don Henri, désespérant de l’y forcer, et rappelé en Castille par des intérêts pressans, crut sauver son honneur par un traité que le lieutenant de don Pèdre accepta, bien résolu de l’enfreindre dès qu’il se sentirait assez fort. Suivant cette convention, une trêve de cinq mois fut proclamée entre les parties belligérantes. On stipula que si, avant Pâques de l’année 1367, don Fernand n’était pas

  1. Froissart, livre I, 2e partie, chap. CCXIV. — Dom Vaissette, Hist. de Languedoc, t. IV, p. 332.
  2. Vicomte de Santarem, Quadro de relaçôes politicas e diplomaticas de Portugal, t, III, p. 26. — Mathieu de Gournay était sujet du roi d’Angleterre.