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exercés à la pratique des manipulations chimiques, la découverte pouvait être regardée comme ayant atteint un certain degré de perfection.

Ces conditions viennent d’être remplies. Un agrégé de chimie à l’université de Gand, déjà connu par des expériences sur la cause des explosions des machines à vapeur et par des recherches sur la liquéfaction de l’acide carbonique, M. Donny, vient de découvrir un moyen simple, facile et sûr de constater la falsification des farines. A peine avait-il annoncé, par l’organe de M. Dumas, à la société d’encouragement les résultats qu’il avait obtenus, qu’une commission s’empressa de répéter ses expériences, afin d’en vérifier l’exactitude. La justesse des assertions de M. Donny fut bientôt reconnue, et dès-lors cette question, qui avait si légitimement préoccupé les chimistes et les industriels, parut enfin toucher à une solution définitive.

Les substances étrangères au moyen desquelles on falsifie habituellement les farines sont la fécule de pomme de terre, des poudres calcaires et quelquefois, mais plus rarement, les farines de vesce, de pois, de maïs, de riz, de sarrasin. Une falsification qui paraît avoir été employée sur une grande échelle en Belgique consiste à immiscer à la farine des céréales du tourteau de la farine de graine de lin. M. Donny a successivement cherché les moyens de constater la supercherie par des procédés variés qui décèlent les caractères propres à chacune des substances frauduleusement introduites dans le commerce des farines. Déjà un illustre chimiste, M. Gay-Lussac, avait enseigné qu’en triturant dans un mortier un mélange de farine de froment et de fécule de pomme de terre, la fécule se laisse écraser la première, parce que les grains qui la composent ont un volume bien plus grand, une texture bien plus lâche que les granules de la farine de froment. L’exiguïté, la forme et la densité de ces derniers les mettent à l’abri des contusions et les préservent d’une déchirure. Aussi la fécule de pomme de terre, après avoir été ainsi broyée et délayée dans l’eau, peut passer au travers d’un filtre, qui retient les grains de la farine de froment. Si l’on verse alors une dissolution d’iode dans le mélange formé par l’eau et la fécule, on le voit se colorer en bleu. Il n’en serait pas de même si la farine était pure ; on obtiendrait à peine une légère nuance vineuse. On voit qu’un tel procédé laissait encore beaucoup à désirer. La forme, la surface plus ou moins polie du mortier, du pilon, la force variable dépensée par l’opérateur, la durée de l’expérience, pouvaient amener une grande variété dans les résultats. Avec de telles chances laissées à l’erreur, il n’était évidemment pas permis de regarder la question comme résolue.

Le procédé de M. Donny est fondé sur des considérations d’un autre ordre. On sait que les grains de fécule grossissent d’une manière très remarquable quand ils sont projetés dans une eau faiblement alcaline. Il restait à savoir si les grains de la farine de froment étaient aussi sensibles que ceux de la fécule de pomme de terre à l’action de la soude ou de la potasse. Or, les expériences de M. Donny lui ont appris que les globules de froment n’augmentent pas considérablement de volume, tandis que ceux de fécule de pomme de terre acquièrent des dimensions relativement énormes. Les caractères différentiels entre les granules des deux substances étant connus, il devenait très aisé de procéder à l’opération. On place sur une lame de verre la farine que l’on suppose mélangée de fécule, on la délaie dans une liqueur alcaline (obtenue par la dissolution de 1 gramme 75 centigrammes