Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au sein même de l’Union, il y a tout un parti qui proteste contre les projets indéfinis de conquête. Les hommes les plus éminens de la république, M. Clay, M. Calhoun, M. Webster, cherchent à mettre une digue à ce torrent. Dans le congrès, ils balancent la majorité ; ils l’ont même obtenue dans la chambre des représentans sur l’élection du président ; c’est le candidat whig qui a été nommé. Ce n’est là du reste qu’un succès partiel et passager ; l’élection prochaine du président de la république mettra les partis plus sérieusement en présence ; c’est vers ce but que se dirigent tous les efforts, et la guerre du Mexique est naturellement le terrain sur lequel les candidats prennent position. Or, il est bien à craindre que, dans un pareil moment d’excitation publique, l’ascendant n’appartienne à ceux qui flattent le plus les passions populaires.

La seule considération qui aurait pu arrêter ou faire hésiter les États-Unis, c’est celle des dépenses nécessitées par la guerre. Ainsi, il est certain qu’en 1845 leur dette publique était presque nulle : elle n’atteignait pas le chiffre de cent millions de francs. Aujourd’hui elle a monté à près de deux cent cinquante millions ; mais les États-Unis, outre leurs ressources permanentes, ont eu cette année des ressources accidentelles très considérables. Comme nous le disions tout à l’heure, ils se sont enrichis de la misère de l’Europe ; pendant que nos contrées du vieux monde souffraient de la disette des grains et de la perte presque complète de la pomme de terre, l’Amérique avait des récoltes magnifiques, et elle a été pour l’Europe ce grenier qu’était autrefois la Sicile pour les Romains. L’Angleterre seule a versé dans ses anciennes colonies plusieurs centaines de millions qui s’y sont répandus dans toutes les classes et y but porté un accroissement de prospérité. Cette ressource n’est pas régulière, il est vrai, et elle ne se renouvellera pas cette année dans les mêmes proportions ; mais les États-Unis ont encore à leur disposition des ressources permanentes qu’ils n’épuiseront pas de long-temps. Ainsi le président propose, pour subvenir aux frais de la guerre, de donner plus d’activité à la vente des terres nationales, et d’établir sur le thé et le café, qui entrent maintenant en franchise, un droit de 25 pour 100. Un autre signe de la prospérité de l’Union, c’est qu’elle a très bien supporté la dernière réduction des tarifs. Les partisans de l’industrie nationale avaient beaucoup crié contre ce premier pas fait dans les voies de la liberté commerciale ; cependant l’épreuve a été très favorable au nouveau tarif, ce qui prouve que l’industrie indigène des Américains est déjà assez forte pour se passer d’une protection exagérée. Il ne faut donc pas compter que les États-Unis se laisseront effrayer par la dépense ; ils pourront bien s’endetter, mais ils se paieront avec des territoires, et tôt ou tard ils y retrouveront leur argent.

Les changemens que nous avions signalés comme probables dans le ministère espagnol ne se sont pas encore réalisés ; nous croyons cependant qu’ils ne seront pas différés pour long-temps, car le bruit est assez généralement répandu à Madrid que le général Narvaez a l’intention de revenir occuper l’ambassade d’Espagne à Paris. Dans ce cas, il est probable que M. Mon deviendrait le chef d’un nouveau cabinet. M. Mon a eu, ces jours derniers, comme président du congrès, la tache de gouverner quelques-unes des séances les plus orageuses que les cortès aient vues depuis long-temps. Plusieurs membres du parti conservateur avaient, comme on sait, proposé la mise en accusation de M. Salamanca, ancien ministre des finances, sous la prévention de concussion. Accusé en séance pu-