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elle aux bases sur lesquelles reposait la confédération ; mais, pour que cette démarche fût plus efficace, il importait qu’elle fût faite avec le concours unanime des grandes puissances : la participation des deux grands états constitutionnels de l’Europe à cette mesure aurait servi de contre-poids à l’action des trois cours du Nord. Il ne paraît pas que M. de Metternich fût très porté à solliciter l’adhésion de l’Angleterre, et l’initiative qui fut prise à cet égard appartient tout entière à M. Guizot. Ce fut alors que M. Guizot prépara le projet de note collective dans lequel il offrait à la Suisse la médiation des cinq puissances, en proposant de prendre le pape pour arbitre de la question religieuse, et les cinq cours elles-mêmes pour arbitres de la question politique. Ce projet ne rencontra pas d’abord l’adhésion du cabinet anglais ; lord Palmerston y fit beaucoup d’objections ; il affecta de supposer aux cours du continent des arrière-pensées sinistres et de croire qu’on voulait poloniser la Suisse. Quelles furent les raisons qui changèrent sa manière de voir ? nous ne saurions le dire avec certitude, quoique nous ayons lieu de croire que de très hautes influences ne furent pas étrangères à ce changement. Il y a une raison plus claire encore, c’est que lord Palmerston vit que, s’il ne voulait pas s’accorder avec les autres, les autres s’accorderaient sans lui ; il eut peur des représailles de 1840, et il se ravisa.

Nous n’avons pas besoin de revenir sur les faits qui ont rendu la médiation inutile, ils sont suffisamment connus. La note collective est arrivée trop tard, cela est incontestable ; mais nous croyons qu’on fait beaucoup trop d’honneur à l’adresse de lord Palmerston en lui attribuant ce résultat. Le cabinet anglais s’est trompé comme les autres ; il ne prévoyait probablement pas plus que nous que la lutte serait si promptement terminée en Suisse. Tout le monde savait certainement quelle en devait être l’issue définitive, personne ne se doutait qu’elle pût être aussi immédiate, et, en dernier résultat, le gouvernement français peut dire à juste titre qu’il avait ramené l’Europe à ses propres vues et à sa propre politique, car non-seulement il avait empêché une intervention isolée, mais encore il avait prévenu toute chance de collision générale en réunissant les cinq puissances dans une démarche commune.

Cette communauté est pour le moment suspendue. Ainsi, dans la conférence qui se tient depuis quelque temps à Paris, l’Angleterre a cessé d’être représentée ; et comme la Russie n’avait pas fait remettre à la diète la première note collective, elle n’a point pris part non plus à celle qui vient d’être rédigée et qui ne sera présentée qu’au nom des trois cabinets de France, d’Autriche et de Prusse. Dans cette note, les trois gouvernemens reconnaissent que, le Sonderbund ayant cessé d’exister au moment où la médiation avait été proposée, il était naturel que la diète eût rejeté cette proposition ; mais ils déclarent qu’ils considèrent toujours la souveraineté cantonale comme la base de la confédération, qu’à leurs yeux cette souveraineté n’existe pas tant que les cantons vaincus sont occupés militairement, et que la Suisse ne sera pas rendue à une condition régulière tant que tous les cantons n’auront pas recouvré le libre exercice des droits sur le maintien desquels sont fondées les relations de la confédération avec l’Europe.

Le pape Pie IX et les souverains d’Italie qui marchent sur sa trace glorieuse devront être sensibles à l’hommage qui leur a été rendu dans la chambre des pairs. On comprend jusqu’à un certain point la réserve que le gouvernement avait gardée dans le discours de la couronne sur les affaires d’Italie, mais il appartenait