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dale ont eu la bonne fortune de rencontrer une trouvaille ; il faut leur rendre cette justice, qu’ils l’ont largement exploitée. Nous n’avons pas à nous arrêter sur les détails d’un incident qui n’a déjà fait que trop de bruit, qui en a fait beaucoup plus qu’il ne le méritait. Nous ne sommes pas de ceux qui prennent plaisir à déconsidérer le pouvoir ; nous ne le ferions pas, même s’il était aux mains de nos adversaires, et ce que nous regrettons, c’est que ce sentiment ne soit pas partagé par tous les hommes qui ont été et qui peuvent revenir aux affaires. Ceux pour qui le pouvoir est toujours un ennemi ont le droit de se faire des armes de tout ce qui leur tombe sous la main : à ceux-là on n’a rien à dire ; mais il en est d’autres qui abusent peu courtoisement des nécessités qui interdisent la représaille et des exigences qui arrêtent la riposte. Nous n’en dirons pas davantage sur ce chapitre.

L’esprit public a évidemment besoin d’autres alimens. Le bruit exagéré fait à l’occasion d’un abus qui, du reste, n’existe plus, passera bientôt ; ce qui ne passera pas, nous le croyons, c’est ce désir vague et général de réformes politiques qui s’était déjà manifesté dans la dernière session, et qui n’a fait que se développer depuis l’ouverture de la session actuelle. Parmi les conservateurs eux-mêmes, il en est un certain nombre qui paraissent peu disposés à se contenter des réformes sur le sel et sur la poste ; ils éprouvent des besoins plus relevés, et répondent en cela à un sentiment qui prend de plus en plus de la consistance. La sécurité même que donne au ministère l’appui d’une forte majorité est une raison pour qu’on se montre plus exigeant envers lui ; plus il sera fort, moins on lui permettra d’être immobile.

Le cabinet fera bien de ne point négliger ces signes précurseurs. Il ne peut se dissimuler qu’il règne dans l’opinion publique, et même dans l’esprit de beaucoup de ses amis, une sorte de panique d’autant plus dangereuse qu’elle est indéterminée ; il fera sagement de ne pas la laisser grandir. Si c’est un besoin réel et sérieux, il faut lui donner satisfaction ; si ce n’est qu’une panique, il faut l’aborder franchement, la saisir et la mettre en présence d’elle-même. Dans tous les cas, il est évident que les questions de réformes politiques sont mûres pour la discussion, lors même qu’elles ne le seraient pas encore pour l’application. Le ministère ne peut pas les abandonner plus long-temps aux banquets et aux places publiques ; il doit comprendre qu’il serait inutile de chercher à les mettre sous le boisseau. Dans l’intérêt même du pouvoir et des idées d’ordre et de gouvernement, ces questions doivent être portées à la tribune ; elles ne peuvent que gagner à être élucidées et à passer par le creuset d’une discussion sérieuse et régulière.

Ce sujet n’a été abordé que passagèrement dans la chambre des pairs par un discours de M. de Mesnard, un des membres éminens du parti conservateur ; mais il sera repris dans la même chambre avant la fin de la discussion de l’adresse, qui parait devoir se prolonger jusqu’à mardi ou mercredi. Les questions extérieures ont jusqu’à présent absorbé presque tout le débat ; les affaires de la Suisse ont, aujourd’hui même, donné à M. de Montalembert l’occasion de prononcer un discours qui le place au premier rang des orateurs de son pays. Hier déjà M. le duc de Broglie avait présenté un lumineux tableau de toute la question ; ce qu’a dit l’ambassadeur à Londres, nous l’avions nous-mêmes exposé à différentes reprises depuis deux mois. M. le duc de Broglie a surtout condensé