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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 janvier 1848.


Un événement dont on commençait à désespérer à force de l’espérer toujours, la prise d’Abd-el-Kader, a heureusement inauguré la nouvelle année. Nous devons dire que la France s’est montrée digne de ce présent de la fortune en n’en faisant pas trop de parade : il faut rendre justice au bon goût que le public a généralement montré en cette occasion ; il eût été malséant pour un grand pays de triompher de sa victoire sur un seul homme. La chute de ce célèbre et implacable ennemi de notre domination en Afrique a été un fait heureux ; mais cependant il était dit qu’Abd-el-Kader nous donnerait de l’embarras même quand il serait entre nos mains. Autrefois on ne savait où le prendre ; maintenant on ne sait où le mettre. Il nous paraît impraticable qu’il soit envoyé à Saint-Jean-d’Acre ou à Alexandrie, comme il en avait témoigné le désir ; le sentiment public se prononce à cet égard d’une manière sur laquelle le ministère ne saurait se méprendre. Laisser Abd-el-Kader planter sa tente en Orient, ce serait laisser s’établir en vue et à proximité de nos possessions d’Afrique un foyer de conspirations permanentes aussi dangereuses que l’état de guerre. L’ancien émir serait là sur le passage de toutes les caravanes qui vont en pèlerinage au tombeau de la Mecque, et qui prendraient de lui le mot d’ordre en attendant son retour. Il y a un principe que le ministère doit commencer par poser, c’est qu’un gouvernement est libre de ratifier ou de ne pas ratifier des conditions faites on acceptées par un chef militaire. Toutefois il faut reconnaître qu’il y a, outre la question de droit, une question de convenance ; il vaudra certainement mieux pour tout le monde qu’elle puisse être résolue sans blesser même les apparences.

La chambre des pairs a, comme d’habitude ; pris les devans dans la discussion de l’adresse, et, ce qui ne lui est pas aussi habituel, elle est entrée dans les débats parlementaires avec une vivacité et une ardeur qui ne peuvent qu’exciter l’émulation de la plus jeune chambre. Dès le début de la session, les amateurs de scan-