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les plus belles provinces de l’Aragon, après avoir, en moins de deux mois, perdu ses conquêtes et ses états héréditaires, rentrait aujourd’hui furtivement dans son royaume, traînant sur des chevaux épuisés ses trois filles, exténuées par les veilles et les fatigues ; il tremblait que chaque défilé, chaque hameau, ne recélât une embuscade ou une trahison. Après ces deux mois d’angoisses continuelles, de déceptions amères, de souffrances morales et physiques de toute espèce, ce dut être pour don Pèdre un moment de bonheur que celui où quelques voix loyales saluèrent son retour en Castille. A Monterey, il trouva des cavaliers envoyés par don Fernand de Castro, pour lui annoncer que ce seigneurs était en marche avec des forces considérables pour le joindre. Des lettres de Zamora l’informaient encore que, bien que la ville fût soulevée, le château demeurait fidèle, et son gouverneur, Juan Gascon, promettait de réduire les rebelles dès qu’il recevrait quelques renforts[1]. La poursuite de don Henri avait été si rapide, que les gouverneurs attachés à don Pèdre avaient pu contenir l’insurrection partout où la présence de l’usurpateur et des aventuriers ne lui avait pas prêté des forces irrésistibles. Astorga, Soria, Logroño, tenaient encore pour le roi légitime et semblaient résolues à se défendre vigoureusement.


VII.

A peine sur le sol de Castille, le premier soin de don Pèdre fut d’écrire au prince de Galles et au roi de Navarre pour leur rappeler ses traités et leur demander des secours. Bientôt don Fernand de Castro accourut à Monterey, et lui présenta les principaux des riches-hommes galiciens, tous pleins d’ardeur et de résolution. Ils amenaient leurs vassaux en armes, cinq cents cavaliers et deux mille fantassins. Avec cette petite armée, protégée par les âpres montagnes de la Galice, que jamais cheval de Castille n’a franchies impunément[2], on pouvait attendre avec sécurité la réponse du prince anglais et du roi de Navarre. Fernand de Castro, le maître d’Alcantara et quelques-uns des plus dévoués serviteurs du roi opinaient pour reprendre immédiatement l’offensive. Rien de plus facile, suivant eux, que de pénétrer dans le château de Zamora, qui avait une porte donnant sur la campagne. Une sortie vigoureuse les rendrait maîtres de la ville, et de là on se porterait sur Logroño. Don Fernand ne doutait pas que la présence de don Pèdre ne ranimât aussitôt ses partisans et qu’il ne réussît à rétablir son autorité dans des provinces que le prétendant avait traversées à la course plutôt

  1. Ayala, p. 416 et suiv.
  2. C’est une opinion populaire en Espagne que nul cheval étranger ne peut vivre au-delà de quelques jours en Galice.