avaient préparé un simulacre d’élection. Pour ces preux chevaliers, la question n’avait rien d’embarrassant ; ils croyaient que le métier d’aventure menait à tout, même au trône. Du Guesclin prit la parole pour ses compagnons. « Soyez roi, dit-il à don Henri ; vous devez faire cet honneur à tant de nobles chevaliers qui vous ont reconnu pour chef dans cette chevauchée. D’ailleurs don Pèdre, votre ennemi, refuse le combat, et par là il reconnaît lui-même que le trône de Castille est vacant[1]. » Cette éloquence toute militaire devait être fort goûtée par les douze mille bandits qui entouraient l’orateur. Du peuple de Castille, il n’en fut point question dans la harangue de Du Guesclin ; il lui suffisait de montrer les aventuriers humiliés de n’être pas commandés par un roi. Malgré des argumens si spécieux, don Henri, avec une feinte modestie, résista assez long-temps pour que les Castillans joignissent leurs instances à celles des capitaines étrangers. Il céda enfin et se laissa ceindre la couronne. Aussitôt don Tello, déployant l’étendard royal, traversa le camp au cri de : Castille ! Castille ! au roi Henri ! Puis, accompagné de bruyantes acclamations, il alla planter la bannière au sommet d’un monticule, sur le chemin de Burgos. Alors chacun s’empressa de demander quelque grace au nouveau roi, comme pour lui donner le plaisir de faire un acte de souveraineté. Il ne refusa personne et se montra libéral à donner ce qu’il fallait gagner à la pointe de la lance. Cette comédie jouée, l’armée se remit en marche et se dirigea sur Burgos à grandes journées sans rencontrer d’obstacles. Les villes n’attendaient pas la sommation des hérauts pour envoyer leurs clés, et de toutes parts arrivaient à l’envi nobles et bourgeois, empressés de baiser la main de leur nouveau maître. C’était à qui viendrait plus vite faire ses offres de service et en solliciter la récompense. Devant Briviesca seulement on s’aperçut de la présence d’un ennemi. Men Rodriguez de Senabria commandait dans la place, autrefois familier de don Henri, maintenant serviteur fidèle de don Pèdre. Il essaya de se défendre ; un combat assez vif s’engagea aux barrières ; mais, le gouverneur avant été renversé et pris par un chevalier gascon, la garnison mit bas les armes avant de soutenir l’assaut[2].
La terreur et la confusion régnaient à la cour de don Pèdre. Elles furent portées au comble lorsqu’on y apprit que Briviesca n’avait pu arrêter un seul jour la marche impétueuse des aventuriers. Malgré le nombre des troupes réunies à Burgos, on voyait bien que le roi n’oserait