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conventions de Monzon. Il s’agissait de déterminer exactement quelle était cette sixième partie de la Castille qui devait être cédée par le prétendant. Don Henri s’obligea de livrer à Pierre IV le royaume de Murcie et dix villes importantes des deux Castilles[1], à titre d’indemnités pour les dépenses considérables qu’allait entraîner la conquête. De son côté, le roi promit de conduire lui-même une armée aragonaise pour appuyer l’invasion. Informé que don Henri traitait secrètement avec le roi de Navarre, car chacun des trois alliés avait ses intrigues particulières, il craignit que Charles n’enchérît sur son marché. Il stipula que, quelle que fût la part de ce dernier dans la conquête de la Castille, la part de l’Aragon serait trois fois plus considérable. Il est à remarquer que ce traité si important ne fut signé, contre l’usage, que par deux témoins seulement, simples chevaliers et huissiers d’armes du roi d’Aragon[2]. On se rappelle que le traité de Monzon avait été écrit de la main même des deux princes. Cette fois encore on tenait à s’envelopper d’un profond mystère. Ces conventions furent acceptées sans difficulté par le comte de Trastamare, mais il se montra exigeant pour les garanties qui devaient en assurer l’exécution. Il demanda des otages, et, dans une affaire aussi grave, il ne lui fallait pas des otages ordinaires. D’abord il voulut qu’un fils du roi, l’infant don Alonso, fût remis à un tiers qu’il devait nommer, pour être retenu dans un château fort. Puis il désigna encore les fils des principaux conseillers de Pierre IV, car les enfans, comme plus faciles à garder que les hommes, étaient préférés par les négociateurs prudens. Il eut soin de demander le petit-fils de Cabrera, son ennemi, afin d’avoir une garantie contre la mauvaise foi de ce ministre, qu’il soupçonnait, non sans raison, de vouloir acheter à ses dépens la paix avec la Castille. Le roi d’Aragon promit son propre fils, et obtint le consentement et la signature de ses conseillers, et celle de Cabrera lui-même, suivant toute apparence, sans leur communiquer les clauses du traité que leurs enfans devaient garantir[3]. Ce n’était encore rien que d’avoir des promesses et des promesses signées, il fallait que les otages fussent remis réellement, et les conseillers du roi, Cabrera surtout, témoignaient

  1. Requena, Noya, Otiel, Canyet, Cuenca, Molina, Medina Celi, Almazan, Soria, Agreda. On remarquera que dans le traité de Uncastillo Pierre IV se réservait tout le royaume de Tolède.
  2. Arch. gen. de Ar. Benifar, 10 octobre 1363. Registre 1513 Varia, p. 66 et suiv. Voir à l’Appendice.
  3. Arch. gen. de Ar. Convention pour échange d’otages. Benifar, 6 octobre. Indice alfabétrio del rey don Pedro IV, n° 528. — Ratification de la convention précédente. Benifar, 10 octobre 1363. Indice n° 524. On observera que les engagemens entre le roi et le Comte ne sont point relatés dans ces deux dernières pièces. La première est signée par tous les seigneurs dont les fils doivent servir d’otages, tandis que le traité d’alliance et de partage n’est signé que par deux témoins obscurs.