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Marie de Padilla ne survécut pas long-temps à la reine Blanche. Elle mourut à Séville, emportée par une maladie soudaine, peut-être par l’épidémie qui exerçait ses ravages, au commencement de la guerre contre Grenade. La douleur du roi prouva la sincérité de son attachement. Il lui fit faire des obsèques magnifiques, et dans tout le royaume des services solennels furent célébrés pour le repos de son ame avec une pompe extraordinaire. Marie fut regrettée par le peuple et les grands, car elle avait toujours usé avec modération de sa haute faveur. Morte, elle n’eut plus un ennemi. Jamais on n’attribua à ses conseils aucun acte cruel, et si elle prouva quelquefois son ascendant sur l’esprit de don Pèdre, ce fut toujours pour le détourner des violences où l’entraînaient ses implacables ressentimens. Parmi tous les membres de sa famille, Juan de Hinestrosa paraît avoir été le seul qui ait obtenu complètement la confiance de son maître. Diego de Padilla, bien que traité avec la plus grande faveur, ne fut jamais initié à ses projets. On se rappelle, par exemple, qu’il ignorait le guet-apens tendu à don Fadrique, et qu’il ne fut averti qu’au dernier moment du meurtre de Gutier Fernandez. On en peut conclure que le roi ne fut ni dominé ni circonvenu par les parens de sa maîtresse. Sans doute, les fonctions importantes dont ils furent revêtus, ils les durent au crédit de la favorite, mais ils ne s’en montrèrent pas indignes, et leur naissance leur y donnait des titres. Leur élévation ne choquait aucun des préjugés aristocratiques de l’époque.


XVI.

RENOUVELLEMENT DE LA GUERRE CONTRE L’ARAGON. — 1362-1363.


I.

La guerre contre les Maures avait attiré à Séville un grand nombre de riches-hommes et de chevaliers empressés de prendre part à cette espèce de croisade. Avant de les congédier, lorsque la mort d’Abou-Saïd et la restauration de Mohamed eurent rétabli la paix, le roi tint des cortès générales à Séville, et là, devant les trois ordres assemblés, il déclara solennellement que Blanche de Bourbon n’avait pas été et n’avait pu être son épouse légitime, attendu qu’avant l’arrivée de cette princesse il avait contracté un mariage secret avec Marie de Padilla. Les troubles du royaume l’avaient empêché, disait-il, de le rendre public, et il s’était même vu contraint de se soumettre à un semblant de mariage avec Blanche. A l’appui de cette déclaration, il nommait les témoins qui avaient assisté à la cérémonie religieuse de son véritable mariage avec Marie de Padilla : c’étaient Juan de Hinestrosa, Diego de Padilla,