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fait plus que d’autres ne le jugeaient nécessaire. Il n’aurait dépendu que de lui de laisser l’Angleterre dans la position où lord Palmerston avait mis la France à une autre époque ; on ne peut que l’approuver de n’avoir pas voulu user de représailles. C’est dans ce même sentiment qu’il appellera aujourd’hui encore le gouvernement anglais à concourir aux résolutions que pourraient prendre les autres cours, de concert avec la France ; mais, nous devons le redire, ces offres conciliantes doivent avoir des bornes, et il ne faudrait pas pousser la politesse jusqu’à la duperie. Une fois qu’il aura été constaté que l’isolement de l’Angleterre est tout-à-fait volontaire, il faudra passer outre avec ou sans lord Palmerston.

Cela sera d’autant moins embarrassant pour le gouvernement français que, dans cette union avec les puissances du continent, ce n’est pas lui qui fait aucun sacrifice, ni de principes ni de tendances. Ce n’est pas lui qui ira à Vienne ou à Berlin ; c’est, si l’on peut ainsi parler, Vienne et Berlin qui viendront à Paris, et, dans les délibérations dont les affaires de la Suisse pourront encore être l’objet, c’est l’influence du gouvernement français qui dominera, et ce sont ses conseils qui prévaudront.

Ce rôle de pouvoir modérateur que remplit le gouvernement français n’a pas peu contribué, par exemple, à retenir en Italie des explosions qui paraissaient toujours imminentes. De ce côté, de graves difficultés ont reçu dernièrement une solution. Ainsi l’affaire de Ferrare, qui avait failli mettre l’Italie en feu, s’est arrangée pacifiquement ; les troupes autrichiennes sont rentrées dans la citadelle, et les forces pontificales ont repris la garnison de la ville ; en un mot, les choses ont été rétablies dans leur état antérieur. L’affaire de Fivizzano a également reçu une solution pacifique ; il paraît que c’était simplement une question de forme, de procédé plus ou moins poli. Les Modénais sont sortis de la ville, les Toscans y sont rentrés ; puis le commissaire du grand-duc de Toscane en a remis officiellement les clés au commissaire du duc de Modène ; après quoi les Toscans en sont de nouveau sortis et les Modénais y sont de nouveau rentrés, cette fois pour y rester ; et tout le monde s’est trouvé content.

Un autre changement s’est accompli, non pas par l’intervention de la diplomatie, mais par celle de la Providence. La souveraine viagère de Parme et de Plaisance, l’archiduchesse Marie-Louise, a, par sa mort, rendu une principauté au duc de Lucques. On sait qu’après elle Parme, Plaisance et Guastalla devaient passer à ce prince, qui, de son côté, transmettait alors son duché au souverain de la Toscane. Le duc de Lucques n’a pas eu à attendre long-temps. On assure que, par suite d’arrangemens conclus entre les princes d’Italie, la possession de Pontremoli reste à la Toscane, et que, pour assurer une ligne de communication libre entre les trois états qui forment l’union douanière, Massa et Carrare seront déclarés neutres.

En Espagne, le général Narvaez poursuit autant que possible l’œuvre de réconciliation universelle qu’il a entreprise. Il faut encourager cette tentative, même en doutant qu’elle puisse définitivement réussir. Les passions ne peuvent pas se calmer si vite chez un peuple aussi vulnérable et aussi susceptible que le peuple espagnol, et, dans les derniers débats du congrès, elles se sont encore fait jour de temps en temps avec leur ancienne vivacité. La motion de M. Sagasti, qui n’était autre chose qu’une violente attaque contre la reine Christine,