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Toutefois ce travail ne saurait satisfaire à tous les besoins de la vie politique. Avec l’agitation qu’enfante le mouvement des intelligences et des intérêts, avec l’action incessante, légitime, qu’exerce l’opinion du dehors sur les corps qui la représentent et la règlent, on ne saurait s’étonner de l’importance croissante qu’acquièrent les questions de réforme électorale et de réforme parlementaire. Ces questions se reproduiront sans nul doute dans cette session ; mais se reproduiront-elles avec plus d’élémens de succès que dans la session dernière ? Nous ne le pensons pas. La chambre n’a pas plus de raisons cette année qu’elle n’en avait l’année passée pour se suicider et pour déclarer elle-même qu’elle siège en vertu d’une loi vicieuse. Ce ne sont pas les banquets réformistes qui doivent avoir avancé, aux yeux de la chambre, la cause de la réforme ; la majorité n’en est sans doute pas à imaginer que tout ce qui a été dit depuis six mois ne s’adresse qu’au ministère et qu’elle n’en a pas sa part. De bonne foi, l’opposition ne peut attendre que cette majorité qu’elle a accablée de tant d’injures lui donne raison en se condamnant elle-même, et qu’elle choisisse ce moment pour se frapper d’une déclaration d’indignité. Sans doute les institutions libres ne peuvent être condamnées à l’immobilité ; il est de leur nature de pouvoir s’étendre et se modifier, et la loi d’élection n’est pas plus close que les autres ; mais les chambres ne sont pas faites pour enregistrer simplement les décrets des clubs : il faut que la discussion passe de la table à la tribune.

Dans la politique extérieure, la question qui donnera lieu aux débats les plus sérieux et les plus animés sera celle de la Suisse. Le roi a exprimé l’espoir que la Suisse maintiendrait les bases de la confédération auxquelles est attachée cette sécurité que l’Europe a voulu lui garantir par les traités ; c’est poser la question dans ses termes les plus justes. On paraît trop généralement croire que le triomphe rapide du parti radical en Suisse a tranché toute la difficulté, et qu’il n’y a plus rien à faire dès qu’il n’y a plus de combattans à séparer. C’est oublier que la médiation des cinq puissances avait deux objets, et que, s’il n’y a pas eu lieu d’appliquer le premier, le second n’en est pas moins resté intact. Les puissances signataires des traités de Vienne ont des devoirs à remplir envers les cantons qu’elles ont autrefois déterminés, et pour ainsi dire forcés à s’annexer à une confédération dans laquelle ils craignaient d’être absorbés. Nous ne prêterons à aucune d’entre elles l’idée passablement ridicule d’avoir voulu rétablir la position des deux parties belligérantes en Suisse telle qu’elle était avant la guerre : on ne relève pas des créatures de chair et d’os comme on ferait de soldats de bois peint, et d’ailleurs le Sonderbund ne s’est montré ni assez brillant, ni assez vivace, pour qu’on soit très empressé de le ressusciter ; nais il est bon que la majorité radicale sache qu’on a l’œil ouvert sur ses actes. La question de la réforme du pacte sera nécessairement abordée ; déjà il se manifeste sur ce point des dissentimens entre les vainqueurs. Les uns voudraient battre le fer pendant qu’il est chaud, et profiter de la terreur qui règne dans les cantons vaincus, et de l’unanimité qu’elle leur donnerait dans la diète, pour procéder immédiatement à une refonte générale de la constitution. Selon ceux-là, il s’agit de faire régner l’harmonie entre les constitutions cantonales et la constitution fédérale, et, maintenant que l’harmonie existe entre les parties, la chose doit être facile. Il faut saisir l’occasion, elle ne sera jamais aussi belle ; la diète qui a décrété la guerre sera plus propre qu’aucune autre à continuer son œuvre. Voilà ce que disent