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barrière suffisante à l’absolutisme. L’hostilité sourde qui existe aujourd’hui entre l’Angleterre et nous, et qui n’est un secret pour aucune cour, autorise les plus graves attentats contre la cause du libéralisme. — Voilà le danger.

À défaut d’un allié que nous avons perdu, moins par notre faute qu’on ne l’a dit (car les mariages espagnols étaient peut-être plus dangereux à éviter qu’à conclure), devons-nous en rechercher d’autres et nous empresser de donner des gages à ces nouvelles amitiés ? — À mon avis, non.

Nous sommes tenus, je le sais, de remplir les devoirs de tout gouvernement. Nous avons, en 1830, reconnu formellement les traités qui lient les nations entre elles ; nous sommes entrés dans le pacte européen, pacte odieux pour nous quant aux circonstances qui lui ont donné naissance, mais dont trent-sept années de paix et de tranquillité ont fait un pacte de progrès et de civilisation.

Nous ne devons encourager la rébellion nulle part. Si le radicalisme turbulent et insatiable, plus despote, quand il est vainqueur, que les gouvernemens qu’il appelait tyranniques, menace les trônes, viole toutes les conventions, la France doit être assez sage pour distinguer ces principes subversifs de ceux de la vraie liberté, et comprendre que ce ne sont pas seulement les puissances absolues qui sont menacées, mais la société tout entière.

Pour avoir de bons rapports avec ses voisins, il ne faut ni leur nuire ni les injurier. La politique exige la même attention. L’opposition a toujours voulu deux choses incompatibles : elle exigeait que notre gouvernement obtint des puissances étrangères des concessions, des témoignages de bonne amitié, et qu’en même temps il leur fit la loi et leur parlât un langage intolérable. Voter annuellement le paragraphe sur la Pologne et être en bons rapports avec l’empereur de Russie, exciter des mouvemens en Italie et rester dans les meilleurs termes avec l’Autriche, — sont deux conditions difficiles à remplir.

Sachons respecter les droits des autres gouvernemens, si nous voulons conserver les nôtres intacts. Respectons même leur principe, car leur principe, quoiqu’il ne sympathise pas avec le nôtre, n’en a pas moins été reconnu par les traités. Cela fait, n’oublions jamais que nous sommes une puissance libérale, que notre gouvernement est né d’une révolution, que nous sommes les petits-fils de la révolution de 89. Si nous étions tentés de l’oublier, nous qui sommes à la tête du pays, le pays nous en ferait bientôt ressouvenir. N’imitons pas ces parvenus qui, rougissant de leur origine, finissent par être odieux à leurs familles plébéiennes et méprisés par le monde nouveau où ils tentent de s’introduire.