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plus large, plus libre, plus féconde, plus variée que les deux manières précédentes. Cette fresque admirable, dont le sujet réel n’est autre que le mystère de l’eucharistie, est traitée avec une franchise, une grandeur, une simplicité au-dessus de tout éloge. La composition tout entière est conçue avec une hardiesse qui étonne chez un homme de vingt-cinq ans, qui étonnerait chez un maître vieilli dans la pratique de la peinture monumentale. A voir cette œuvre si claire, dont toutes les parties s’expliquent si naturellement et s’accordent si bien entre elles, il semble qu’elle n’ait rien coûté à l’imagination de l’auteur ; la Trinité, qui domine toute la scène, les patriarches, les saints, les apôtres, les évangélistes, les docteurs, tous les personnages, en un mot, ont le caractère, l’accent qui leur convient. Le sentiment religieux anime toutes les physionomies et se révèle dans le geste et l’attitude de tous les acteurs ; mais ici l’expression de ce sentiment se concilie d’une façon exquise avec la beauté de la forme. La Théologie de Raphaël ne relève ni de Giotto ni de Fra Angelico. Chose étrange et qui pourtant n’a rien d’inattendu après les transformations de style auxquelles nous avons assisté la Théologie, exécutée de droite à gauche, permet de suivre et d’étudier les progrès de l’auteur depuis le commencement jusqu’à la fin de son œuvre. Les têtes pensent ; les mains, par leur mouvement, complètent l’expression du regard et des lèvres ; les draperies sont ordonnées avec une simplicité majestueuse et n’ont rien à démêler avec le style étroit du Pérugin. Il y a dans cette fresque, début de Raphaël au Vatican, un charme si puissant, tant de fraîcheur, d’éclat et de sérénité, que des juges éclairés la préfèrent sans hésiter à toutes les œuvres de l’auteur. Quoique cette opinion ne soit pas la nôtre, nous reconnaissons pourtant qu’elle peut être soutenue avec avantage. Jules II fut tellement émerveillé de la beauté de cette première composition, qu’il voulut abattre toutes les fresques achevées ou commencées, et confier tout au pinceau de Raphaël ; par respect pour son maître, le Sanzio exigea la conservation d’un plafond peint par le Pérugin. Dans la salle de la signature, il se servit des ornemens exécutés par le Sodoma.

La Philosophie, connue vulgairement sous le nom d’École d’Athènes, et peinte sur le mur qui fait face à la Théologie, est, à mes yeux, le développement le plus complet, l’expression la plus savante du talent de Raphaël. Il y a dans le style de cette composition une largeur, une puissance, une sécurité, qui ne semblent pas appartenir à la jeunesse. Les personnages, quoique nombreux, sont disposés avec tant d’art et choisis avec tant de discernement, qu’il n’y a pas trace de confusion dans cette page immense. Dans la conception et l’ordonnance de cet ouvrage, Raphaël s’est heureusement inspiré de Pétrarque, et certes, pour traiter un sujet de cette nature, il était difficile de consulter un maître plus habile, de suivre un guide plus sûr. L’architecture qui encadre