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successeurs de Pierre-le-Grand, aux petits-fils des jurisconsultes, des médecins, des instituteurs, des prêtres et des savans qui l’aidèrent à tirer son pays du chaos. En vérité, les Moldo-Valaques auront trop beau jeu pour répondre aux récentes démonstrations du Fanar inspiré par la Russie. Ces tristes menées ne sauraient être pour eux qu’une occasion de plus de préciser leurs formules et de retremper leur patriotisme dans la lutte.

La situation actuelle du roumanisme, comme toute son histoire, se montre à découvert dans ce combat entre le patriotisme latin des Moldo-Valaques et les intrigues gréco-russes. Mal servi par les hommes qu’il a portés au pouvoir, persécuté avec acharnement par les Grecs et les Russes, peu favorisé par les Turcs, le roumanisme survit pourtant et prospère ; il règne en Moldo-Valachie ; il possède la Bucovine, la Hongrie orientale et la Transylvanie en dépit des Magyares, la Bessarabie malgré les Russes, et il a établi entre tous les pays roumains un lien d’idées et d’intérêts non moins fort que celui du sang. Les Kutzovlaques, qui habitent de l’autre côté du Danube, principalement dans les montagnes de la Macédoine, isolés ainsi de la Moldo-Valachie et de la souche-mère de leur race, destinés sans doute à être entraînés un jour avec les Albanais dans le mouvement illyrien ou hellénique, sont les seuls peuples roumains qui fassent défaut au roumanisme. Les Transylvains, au contraire, qui avaient été, dès le dernier siècle, les promoteurs des études historiques et philologiques, blessés par les prétentions magyares, après quelques années de repos, sont rentrés en lice et marchent hardiment de front avec les Moldo-Valaques. Les Bucovinois, attachés au royaume de Gallicie, peu nombreux et peu organisés pour la lutte, y adhèrent du moins, et en suivent fraternellement toutes les phases. Enfin les Bessarabes, quoique enchaînés à la Russie à titre de conquête et dépouillés des institutions qui leur avaient été garanties à l’époque de l’annexion, prennent une part active à l’œuvre littéraire de la Moldo-Valachie et de la Transylvanie, et, si sévère que soit la réserve imposée à la parole dans un pays placé sous un tel gouvernement, ils savent encore servir la pensée commune par le culte pacifique de la langue nationale et l’étude des traditions. La Romanie entière est donc fidèle à cette foi en la race qui fait de tous les Roumains un seul peuple, et qui, en lui rendant la jeunesse et la vie, lui promet aussi l’unité politique.

La Moldo-Valachie demeure jusqu’à présent le point vers lequel converge et où se résume ce grand travail des esprits, et c’est là aussi, quoi que fassent les Fanariotes et les Russes, que l’idée a le plus de moyens de pénétrer bientôt dans les faits. Le moment arrive où une génération nouvelle et plus forte, sans être moins modérée que celles qui ont précédé, va entrer dans la carrière politique et y porter franchement