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et studieuse Transylvanie, s’était propagé dans les principautés du Danube, et avait préparé la rénovation politique et sociale du pays par le réveil des lettres. La Transylvanie, qui est le théâtre d’une affreuse indigence, n’en est pas moins l’un des pays les plus éclairés de l’Orient. Luther et tous les novateurs y trouvèrent des disciples, Louis XIV des alliés, Voltaire et Rousseau des admirateurs intelligens. L’histoire de la nationalité roumaine n’y avait jamais été oubliée entièrement. A une époque où les Moldo-Valaques, immobilisés dans leur pensée religieuse et isolés par le schisme oriental, se contentaient encore de posséder les Écritures en langue roumaine, les Welches de la Transylvanie, caressés par le luthéranisme, qui exaltait l’usage de la langue vulgaire dans l’église et dans l’enseignement clérical, avaient des prédicateurs et des écoles qui, tout en restant fidèles à leur foi, se ressentaient du mouvement religieux avec lequel ils étaient en contact. Lorsque la langue roumaine, après avoir échappé à la domination du slavon, qui est le latin de l’église d’Orient, fut étouffée par les écoles grecques élevées à Bucharest et à Jassy, et par tout l’ensemble du système fanariote, les Valaques transylvains sentirent que le dépôt de la langue nationale était tout entier en leurs mains, et que, s’ils l’abandonnaient au peuple des campagnes, cette langue dépérirait ou resterait du moins inculte. Ils l’entourèrent donc d’une vénération profonde sans que les Magyares songeassent à les en empêcher, et sans essayer de s’en faire une arme contre les Magyares, qui étaient des maîtres peu commodes, mais qui n’avaient point encore inventé le magyarisme. Il y eut çà et là d’humbles travaux de grammaire et d’histoire. Un événement tragique vint toutefois secouer les imaginations et les entraîner pour un instant dans des voies plus larges. Le sentiment public, aiguillonné par la faim, avait retrouvé une subite puissance qui arma les populations, et se personnifia dans un paysan du nom de Hora. Sa pensée était nationale sous une forme qui semblait seulement sociale. Hora voulait l’extermination des seigneurs, parce qu’ils étaient Magyares en même temps que seigneurs, et il n’aspirait pas à moins qu’à recommencer l’œuvre d’unité si vainement tentée par tous les grands princes de l’ancienne Moldo-Valachie. Après avoir frappé les Magyares de la Transylvanie et de la Hongrie orientale, il réservait des coups terribles pour les Fanariotes des deux principautés du Danube. Hora avait pris le titre d’empereur de la Dacie. A la suite d’exploits hardis qui révélaient en lui plus qu’un aventurier, il fut battu par les impériaux, et expia son audace trop hâtive par l’horrible supplice de la roue. Cette idée de relever et de réunir toute la nation roumaine dans le territoire de l’ancienne Dacie ne fut point perdue ; quoique désarmée et suppliciée dans la personne de Hora, cette nation se transformait pour continuer pacifiquement et ardemment les humbles études de grammaire