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clientelle embrassait le sixième de la population, se relèveront-elles du coup que la pénurie du trésor a obligé le gouvernement provisoire de leur porter ? On n’y doit rien négliger. Les sociétés de secours mutuels ont à se répandre principalement dans la province, car à Paris elles sont déjà nombreuses ; elles ont aussi à refaire leurs statuts, qui sont défectueux et qui reposent sur des calculs faux. Les prud’hommes devront se multiplier et agrandir le cercle de leur juridiction bienfaisante. Les sociétés de prévoyance, pareilles à celle qui a rendu de si grands services à Lyon pendant les crises commerciales de 1837 et de 1840, auront à s’acclimater dans nos autres villes manufacturières. Les institutions de crédit à l’usage des ouvriers se réduisent aux monts-de-piété il convient que l’ouvrier, pour se procurer quelque argent non-seulement dans les temps difficiles, mais dans les circonstances ordinaires, rencontre des institutions qui l’assistent à moindres frais et qui soient moins méfiantes et mieux pourvues. C’est encore Lyon que nous citerons ici comme un modèle à suivre par cent autres de nos villes : on y a vu, et je suppose qu’on l’y voit encore, une caisse de prêt qui avance quelques fonds aux ouvriers connus, sur leur parole, sans leur demander le dépôt de leurs outils qui cependant servent de gage à l’emprunt. Un jour sans doute aussi la France ne le cèdera en rien à l’Écosse, où l’ouvrier honnête et rangé obtient des banques qu’il lui soit ouvert un crédit sur son honneur, avec la garantie de quelqu’un de ses amis, afin qu’il devienne chef d’industrie à son tour.

Nous sommes donc, depuis 1789, en train de nous constituer une organisation du travail belle et digne d’envie. La nouvelle forme de gouvernement que la France vient d’admettre hâtera les progrès de cette œuvre, qui marchait avec beaucoup trop de lenteur ; je le dis aujourd’hui, parce que je l’ai dit mille fois avant le mois de février 1848. Tout le monde devra s’y prêter ; tout le monde y est intéressé. Il ne s’agit pas seulement de l’honneur de la patrie et de sa renommée ; notre salut à tous est à ce prix. Il faut choisir entre une affreuse anarchie où tout périrait, tout jusqu’à l’indépendance nationale, et le concours majestueux de tous les citoyens pour cette œuvre grandiose, excellente, pour cette patriotique réparation.

Quant à la participation des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, participation dans laquelle beaucoup de personnes font exclusivement consister l’organisation du travail, elle suppose une révolution dans les mineurs. J’admets que les révolutions politiques, lorsqu’elles sont à la hauteur de ce nom, amènent dans les mœurs une transformation qui peut se qualifier de même. Je crois donc que cette participation va s’introduire graduellement dans les habitudes ; mais il faudra bien des précautions pour que le droit de propriété n’en soit pas atteint. Ces précautions sont de rigueur dans l’intérêt même des ouvriers, car le