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des frontières de la Castille, et tout se bornait à une espèce de blâme contre le roi, qui ne tenait nullement à l’approbation de l’église, pourvu qu’elle n’empiétât point sur son autorité. De fait, don Pèdre, si cet arrêt lui fut signifié, ne s’en inquiéta guère, et le roi d’Aragon, qui certainement en reçut copie, continua de montrer à son nouvel allié le plus grand désir de consolider la bonne intelligence entre leurs deux couronnes. Les articles du traité relatifs aux personnages exceptés de l’amnistie furent, en effet, les premiers et les plus fidèlement exécutés. L’infant don Fernand fut dépouillé de son office de procurateur-général, et contraint d’aller résider en Catalogne[1]. Don Henri avait quitté l’Espagne pour reprendre en France son ancienne vie de routier, offrant sa lance à qui voudrait lui donner des gages, et pillant partout où sa troupe de bannis se trouvait en force[2]. Enfin l’échange des prisonniers s’accomplissait avec quelque lenteur, il est vrai, mais enfin suivant la lettre des conventions. C’était beaucoup que d’obtenir sur ce point l’obéissance des gens de guerre, accoutumés à regarder leurs prisonniers, surtout les Maures et les Juifs, comme une propriété dont ils pouvaient faire commerce à leur gré[3].


II.

L’histoire ne doit pas se borner, ce me semble, au récit des événemens politiques ; elle doit encore enregistrer les faits qui font connaître les mœurs et les caractères des hommes d’autrefois. Avant de raconter les suites de la paix avec l’Aragon, je rapporterai, d’après Ayala, une

  1. Arch. gen. de Ar., registre 1394, p. 77. Instructions données par Pierre IV à ses ambassadeurs auprès de don Pèdre. Le roi les charge de l’excuser pour le retard involontaire apporté à l’éloignement de l’infant, qu’une maladie a retenu à Valence quelques jours après l’expiration du délai fixé pour son départ par le dernier traité. Il est maintenant en Catalogne. — Cfr. Zurita, t. II, p. 307.
  2. Don Henri et don Sanche commirent des pillages dans la sénéchaussée de Carcassonne, au mois de juillet 1361. — Dom Vaissette, Hist. du Languedoc, t. IV, p. 316.
  3. Arch. gen. de dr. Instructions aux ambassadeurs, etc., registre 1391, p. 77.
    Ibid., p. 38. — Lettre du roi d’Aragon à don Pèdre annonçant qu’il a rendu les prisonniers en son pouvoir, et réclamant des Maures et des Juifs détenus par quelques riches-hommes castillans sous prétexte que ces captifs ne sont pas compris dans le traité. Barcelone, 22 novembre 1361.
    Ibid., p. 39. — Lettre de Pierre IV à l’infant don Fernand pour lui ordonner de rendre sans délai les prisonniers maures ou juifs qu’il retient encore. Même date.
    Ibid., p. 35. — Lettre de Pierre IV à don Pèdre pour réclamer doña Milia, nourrice (ama) de feu l’infant don Juan, et son fils, prisonniers en Castille. Barcelone, 18 septembre 1361.
    Ibid., p. 90. — Lettre du roi d’Aragon à don Pèdre au sujet de la restitution de la rançon de prisonniers murciens. Valence, 3 mars 1362, etc.
    J’omets plusieurs autres lettres dans lesquelles il est fait allusion à l’exécution des articles du dernier traité.