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assez pernicieux conseiller. M. Michiels n’est guère vif, et il ne nous paraît jamais pressé. Il finit sans doute par arriver, mais après de longues haltes et bien des détours. Diderot dans ses Salons de peinture, M. de Stendhal dans ses charmantes esquisses sur l’histoire de la peinture italienne, ont une tout autre manière de raconter.

En résumé, M. Michiels a rassemblé les élémens d’un bon livre qu’il n’a pas su faire. Son histoire pèche surtout par la forme et par le manque de proportions. Le manque de proportions tient au désir incessant qu’a l’auteur d’étaler à tout propos des connaissances encyclopédiques. L’insuffisance de la forme résulte de cette même cause et du parti pris d’être nouveau, coûte que coûte, soit comme penseur, soit comme écrivain. De là cette prétention hautement affichée d’avoir seul découvert ce que chacun sait ; ce besoin de déprécier tout ce qui provient d’autrui et de se proclamer seul savant, seul intelligent, seul capable ; cet abus de l’esthétique et de l’analyse ; cette phraséologie burlesquement ambitieuse, et toute cette affectation de dogmatisme et de néologisme. Ces habitudes littéraires ont pu surprendre un moment l’admiration des lecteurs vulgaires ; elles rebutent un esprit délicat et sont déjà bien surannées. Aujourd’hui, si l’on veut être nouveau, il faut revenir au naturel, et la seule chose qui n’ait pas vieilli, c’est le vrai.

Le naturel, le vrai ! ces deux mots résument merveilleusement cette étude sur les écoles flamande et hollandaise ; ils caractérisent le genre de talent de la plupart des peintres qui les illustrèrent ; ils expliquent comment, arrivant après les Italiens, ils purent être originaux. Les peintres néerlandais ont sans doute abusé du naturel et de la vérité comme les Italiens avaient abusé du style ; mais, si l’on considère la singulière faveur qui s’est attachée à leurs œuvres, faveur sans égale, que le temps a consacrée, et qui, loin de s’affaiblir, semble s’accroître d’âge en âge, on reconnaîtra qu’il faut que cet abus même ait bien du charme, puisqu’il trouve si aisément son pardon.


MERCEY.