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Cette résignation des races proscrites finit par graver de plus en plus dans leurs facultés et dans leurs organes le signe d’une infériorité acquise. Les maladies les plus affligeantes ont pesé de tout temps par une sorte de loi fatale sur les familles de l’espèce humaine les plus misérables et les plus dégradées. L’idiotie, le goître, le crétinisme, peuvent à la longue s’enter sur les membres opprimés d’une race originairement saine. Ces maladies tendent même à devenir héréditaires et accélèrent ainsi, de jour en jour, la débilitation des familles réprouvées. La science s’est plusieurs fois adressé cette question : Une altération grave des caractères primitifs d’une race peut-elle constituer par la suite des temps une autre race distincte qui perpétue dans le signe de sa décadence une nouvelle variété de l’espèce humaine ? Oui ; les cagots en sont un exemple remarquable. En Angleterre aussi, n’avons-nous pas le spectacle affligeant d’une de ces dégradations systématiques ? Les Irlandais constituent une belle race : si nous en croyons M. Serres, ce sont des Gaulois ; mais le régime auquel les soumet l’Angleterre a déjà effacé de leur constitution appauvrie les restes du caractère celtique ; ce sont des Français dégénérés. Une telle politique n’est pas seulement coupable, elle est imprudente. Les races souffrent du mal qu’elles font aux autres races ; en les débilitant, elles affaiblissent, au jour du danger, les moyens de défense nationale.

Les médecins se firent, au XVIe siècle, les avocats officieux des cagots. La science précéda l’église dans l’abolition d’un préjugé qui outrageait la nature et l’humanité. Rome intervint, il est vrai, en leur faveur, mais faiblement. On s’étonne de voir les ministres d’un Dieu de paix aggraver encore la triste destinée de ces malheureux, en les séparant, dans le midi de la France, d’avec la population indigène. Les évêques refusaient d’admettre les cagots aux ordres sacrés. On leur assignait à l’église une porte, un bénitier et des bancs où ils étaient isolés des autres fidèles ; l’eau bénite leur était même offerte en quelques endroits au bout d’un bâton, comme à des lépreux. L’interdiction les suivait jusque dans la mort : ils occupaient au cimetière des places réservées. La science seule peut nous consoler du spectacle de tant de rigueurs, en donnant à ces mauvais traitemens un motif tiré des lois mêmes de la nature humaine. Il y a, nous le répétons, une éducation particulière à chaque race : les unes sont conduites par une main charitable, les autres par un bras de fer. Le progrès est une œuvre laborieuse et pénible qui s’accomplit dans toutes les familles humaines par le sacrifice ; mais il existe des races particulièrement prédestinées à la souffrance, des races martyres. Les plus rudes épreuves de la civilisation leur reviennent de droit. La persécution est la condition nécessaire de leur perfectionnement. On n’émonde de tels rameaux que par le fer et le feu. La main de Dieu les tient de si près, qu’elle grave successivement