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Laso de la Vega, chef de la faction de Lara ; Pero hstebañez Carpentero, élu maître de Calatrava après la mort de Nuñez de Prado, son oncle, par quelques chevaliers de l’ordre qui protestaient ainsi contre la nomination de Diego de Padilla ; le Portugais Martin Telho, qui passait pour l’amant heureux de la reine Marie ; enfin Alphonse Tellez Giron, depuis peu déserteur de l’armée royale. Tous ceux qui se trouvaient trop compromis pour espérer leur pardon du roi n’avaient pas cru trouver de plus sûr asile. Leurs troupes réunies s’élevaient à environ douze cents hommes d’armes, sans compter une nombreuse infanterie et les bourgeois de la ville. La place était forte, couverte par le Duero, qui en rend les approches difficiles, bien approvisionnée enfin ; tout annonçait une résistance opiniâtre et prolongée.


IV

À cette époque, il fallait beaucoup de temps et de dépenses pour réunir le matériel nécessaire à un siège, c’est-à-dire des bois pour les machines, des instrumens de pionniers, des effets de campement, des provisions de guerre et de bouche. Tout cela ne pouvait s’improviser, surtout dans la situation des finances du roi. Suivant les pratiques de la guerre au moyen-âge, il alla s’établir à Morales, village peu éloigné de Toro, où naguère les confédérés avaient eu leur quartier-général, lorsqu’ils bloquaient cette ville. De là il envoyait ses chevaliers faire armes, c’est-à-dire escarmoucher aux barrières de Toro ; souvent lui-même guidait de petites expéditions contre les châteaux du voisinage occupés par les rebelles. Tantôt vainqueur, tantôt repoussé, il trompait son impatience par ces courses incessantes. Deux fois par semaine[1], il venait déployer toutes ses forces devant les murs de Toro ; on échangeait des flèches, on rompait des lances pendant quelques heures ; à la nuit, on sonnait la retraite des deux côtés ; cela s’appelait faire la guerre. D’ailleurs, nulles mesures n’étaient prises pour resserrer les assiégés ou pour intercepter leurs communications. Ils recevaient des recrues et envoyaient des partis battre la campagne assez loin de leur fort. Don Henri, pendant une absence momentanée du roi, partit pour la Galice, où Fernand de Castro l’avait précédé depuis plusieurs mois. Ce dernier paraissait fort refroidi pour la ligue et vivait en assez mauvaise intelligence avec ses beaux-frères, qui, disait-il, voulaient faire casser son mariage. Don Henri annonçait qu’il reviendrait bientôt et ramènerait à ses alliés une armée nombreuse ; mais ceux qui connaissaient la prudence précoce du jeune prince soupçonnaient que, peu confiant dans les forces de son parti, il ne songeait qu’à lui-même et

  1. Ayala, p. 192.