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sut revendiquer plus tard cette donation qui semblait alors dérisoire. Avec les princes aragonais, un grand nombre de seigneurs castillans reçurent des fiefs, des châteaux, de vastes domaines. Les mieux partagés furent ceux dont le roi avait le plus à se plaindre. Juan de la Cerda et Alvar de Castro, frère de don Fernand, obtinrent d’immenses donations. Tous ces riches-hommes, déserteurs de la ligue, comme ils l’avaient été de la cause royale, accouraient maintenant à Ségovie, les infans à leur tête, protestant de leur fidélité et jurant d’obéir en tout à un prince si magnifique. Mais ce n’était pas sur ces dévouemens chèrement achetés que don Pèdre fondait ses espérances ; il trouvait de plus puissans secours et de plus généreux dans les communes ralliées franchement à leur souverain. Peu de jours après son évasion, il convoquait à Burgos les députés de la noblesse et du peuple. Accompagné des infans et des ligueurs convertis, il se présenta dans cette assemblée, et, après s’être plaint du traitement indigne que lui avaient fait éprouver les rebelles de Toro, il demanda qu’on l’aidât d’hommes et d’argent pour réduire à l’obéissance la reine sa mère, et les bâtards, qui troublaient par leur rébellion la paix du royaume et qui avaient oser attenter à la liberté de leur souverain[1].

Un grand changement venait de s’opérer dans les esprits. Les malheurs du roi, sa jeunesse, sa fermeté, prévenaient l’assemblée en sa faveur. La plupart des Castillans avaient vu avec indignation la conduite des confédérés, et leur gouvernement de quelques jours avait suffi pour faire regretter celui des Padilla. Aussi les députés réunis à Burgos se montrèrent-ils empressés d’accorder au roi toutes ses demandes ; en retour, il est vraisemblable que les communes obtinrent de lui une extension de leurs privilèges et de nouvelles franchises. Pouvait-il se montrer moins généreux pour les villes de son royaume que pour ses grands vassaux dont il avait tant à se plaindre ?

On cherche vainement quelques détails sur les transactions politiques qui eurent lieu à Burgos, et je ne sais si cette réunion doit être considérée comme une assemblée solennelle des cortès. Les députés du clergé n’y partirent point. Au moment où, par un retour étrange de l’opinion publique, le peuple se prononçait si hautement en faveur de ce roi naguère honteusement abandonné, un légat du pape arrivait en Espagne porteur d’un bref apostolique qui mettait la Castille en interdit et prononçait l’excommunication contre don Pèdre, Marie de Padilla et Juana de Castro, ainsi que contre les fauteurs de leur commerce adultère[2]. Les évêques de Salamanque et d’Avila, pour avoir sanctionné un mariage sacrilège, étaient cités devant le saint-siège, où

  1. Ayala, p. 177.
  2. Rainaldi, Ann. Eccl. Année 1355, § 29, tome XXV.