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Ocaña les chevaliers de Saint-Jacques demeurés fidèles, et les obligea de déposer don Fadrique pour le remplacer aussitôt par Juan de Villagera, frère bâtard de sa maîtresse, bien que ce cavalier fût marié, contrairement aux statuts de l’ordre. Cette élection, toute vicieuse qu’elle fût, devint néanmoins un précédent qui fit autorité dans la suite[1].

L’insurrection de Tolède portait un coup funeste à la cause du roi. A la nouvelle promptement répandue que la première ville du royaume s’était soulevée, nombre de riches-hommes et de chevaliers encore indécis se joignirent aux rebelles. Les infans d’Aragon, des premiers, crurent le moment venu de lever le masque et déclarèrent qu’ils faisaient alliance avec Alburquerque et le comte don Henri. Bientôt leur mère, doña Léonor, tante du roi, les joignit à Cuenca de Tamariz dont ils venaient de s’emparer. Dans cette ville se réunirent la plupart des chefs, et ce fut là qu’ils se concertèrent entre eux et scellèrent leur alliance. Jusqu’alors, chacun des rebelles avait fait la guerre en son nom et pour son propre compte. Chacun avait ses griefs dont il poursuivait le redressement. Alburquerque se plaignait de l’injuste usurpation de ses domaines ; Fernand de Castro alléguait l’outrage fait à sa maison ; les bourgeois de Tolède déclaraient qu’ils s’étaient soulevés pour défendre leur reine ; et quant aux bâtards et aux infans d’Aragon, il leur restait à instruire la Castille des reproches qu’ils pouvaient faire à un roi prodigue, pour eux, de ses faveurs. A Cuenca de Tamariz, sous la présidence de la reine douairière d’Aragon, les confédérés se choisirent un drapeau et rédigèrent leur manifeste. La sympathie du peuple, si vivement excitée par les malheurs de Blanche, les avertissait qu’ils ne pouvaient mieux faire que de donner son nom à leur cause. Ils se déclarèrent donc ses protecteurs et envoyèrent au roi un héraut pour le sommer de congédier sa maîtresse, de vivre en fidèle époux auprès de sa femme légitime, enfin, de prendre d’autres conseillers. Déjà, en effet, ils étaient en mesure de dicter des conditions à leur souverain. Les troupes laissées en observation devant Ségura, composées en majeure partie de milices tolédanes, avaient fait leur défection et amenaient don Fadrique comme un libérateur dans la capitale de la Castille-Neuve. Les communes de Cordoue, Jaen, Cuenca, Talavera, Ubeda, Baeza envoyaient des députés à Tolède pour se confédérer avec ses habitans. Chaque jour, quelque seigneur abandonnait le roi pour s’aller joindre aux rebelles. Presque toutes les provinces du nord s’étaient insurgées ; Alburquerque dominait dans le royaume de Léon ; Castro, dans la Galice ; le comte de Trastamare, dans les Asturies. Don

  1. Ayala, p. 140. – Rades, Cron. De Santiago, p. 46. – Il nomme le commendeur de Ségura don Lope Sanchez de Avendaño.