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quatre cents cavaliers, mais ils ne trouvaient d’ennemis nulle part. Avec ce faible détachement, ils se présentèrent devant Ciudad Rodrigo, espérant entraîner dans leur parti le maître d’Alcantara, Perez Ponce, qui y faisait sa résidence. A la vérité, le maître ne les accueillit point, mais, oubliant les faveurs naguère reçues du roi, il ne fit aucun mouvement pour s’opposer à leur marche, et, dans une complète neutralité, attendit pour prendre un parti que la fortune se déclarât.

Trompés dans leur tentative sur Ciudad Rodrigo, Alburquerque et le comte de Trastamare poursuivirent leur marche vers le nord, ne rencontrant nulle part d’ennemis sur leur route. Ils passèrent la Tormès non loin de Salamanque, sans que les infans d’Aragon, qui occupaient cette ville pour le roi avec des forces considérables, fissent la moindre démonstration pour attaquer leur petite troupe. Suivant toute apparence, pour s’aventurer de la sorte, les deux chefs connaissaient bien les dispositions secrètes des infans d’Aragon. Certains qu’ils resteraient immobiles à Salamanque, ils continuèrent à s’engager de plus en plus dans les provinces du nord. Alburquerque fit sa jonction à Barrios de Salas avec Fernand de Castro. Le Comte pénétra jusque dans les Asturies pour les soulever et y recruter des soldats[1]. De son côté, don Fadrique poussait audacieusement sa pointe. Traversant toute la Manche dans sa plus grande largeur, il se dirigea sur Ségura de la Sierra, place très importante à cette époque, située sur la limite des royaumes de Murcie et de Jaen, et une des principales commanderies de Saint-Jacques. Ce mouvement hardi interceptait les communications du roi avec l’Andalousie ; il allait provoquer des soulèvemens dans des provinces demeurées neutres ou fidèles ; enfin il permettait aux confédérés de se mettre en relations d’un côté avec l’Aragonais, de l’autre avec les Maures de Grenade. Castillans ou étrangers, chrétiens ou musulmans, partout les rebelles cherchaient des alliés.

Loin de soupçonner les motifs de l’inaction des princes aragonais, don Pèdre, les croyant en mesure et en intention de s’opposer aux progrès d’Alburquerque, avait tourné tous ses efforts du côté du midi, et se portait en hâte vers Ségura pour empêcher que cette place ne tombât au pouvoir de don Fadrique, ou du moins pour l’y assiéger s’il ne parvenait à le prévenir. Avant de partir pour cette expédition, il avait donné l’ordre de transférer la reine Blanche du château d’Arévalo dans l’Alcazar de Tolède. Il craignait non sans raison qu’une surprise ne la mît aux mains des révoltés, qui s’en seraient fait un instrument dangereux. L’exécution de cet ordre fut confiée à l’oncle de Marie de Padilla, Juan de Hinestrosa, qu’il venait de nommer son chambellan[2].

  1. Ayala, p. 136. -. Rades, Cron. de Santiago, p. 46.
  2. Il avait obtenu ce titre probablement après que Diego de Padilla eut été nommé maître de Saint-Jacques.