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un prince dont il servit la cause les armes à la main, affirme sans réserve que la première pensée de cette alliance fut conçue par le comte de Trastamare[1].

Après le mariage de l’infant d’Aragon et son départ pour la Castille, la cour de Portugal était à Estremoz, et don Juan d’Alburquerque l’y avait suivie, lorsqu’il reçut inopinément un message du comte don Henri, apporté par frère Diego de Ribadeneyra, confesseur du jeune prince. C’était une alliance offensive et défensive que proposait ce moine, d’abord en termes généraux, annonçant d’ailleurs de grands desseins que don Henri et son frère se réservaient de communiquer eux-mêmes à don Juan d’Alburquerque dès qu’ils auraient reçu sa foi. Quelque surprise que dût éprouver Alburquerque à une semblable ouverture, l’offre des deux bâtards servait trop bien ses projets de vengeance pour qu’il ne s’empressât pas de l’accepter. On convint aussitôt d’une entrevue, et, pour prouver la sincérité de leur défection, don Henri et don Fadrique commencèrent par arrêter le frère de Marie de. Padilla, Juan de Villagera, qui commandait conjointement avec eux les troupes réunies en Estramadure. Après ce coup, les nouveaux confédérés se rencontrèrent à Riba de Cayo, village sur la frontière de la Castille et du Portugal, et y scellèrent leur alliance par les sermens usités alors en de telles occasions. Sur-le-champ Alburquerque compta aux deux bâtards une somme de 200,000 maravédis à titre de subsides pour leurs hommes d’armes, et leur remit comme gages de sa foi plusieurs de ses châteaux, entre autres celui-là même dont ils étaient chargés par le roi de faire le siège. Dans cette première conférence, don Henri exposa le plan qu’il avait conçu. Il s’agissait de détrôner son frère, ou du moins de lui susciter un compétiteur puissant, qui devait à son avis entraîner le roi de Portugal dans leur coalition : c’était l’infant Pierre de Portugal que don Henri voulait proclamer roi de Castille. Petit-fils de don Sanche par sa mère doña Beatriz, l’infant était d’un degré plus près de la souche royale que don Pèdre, fils d’Alphonse et arrière-petit-fils de don Sanche. À cette époque où le droit de succession au trône, récemment disputé par les armes, n’était pas encore fixé d’une manière irrévocable, la transmission de la couronne à l’aîné de la souche royale, système encore en vigueur de nos jours chez des peuples orientaux[2], était acceptée par les mœurs et sanctionnée par des précédens. L’exclusion des infans de La Cerda et la reconnaissance de don Sanche par les cortès autorisaient jusqu’à un certain point les prétentions du prince portugais, et les confédérés pouvaient se flatter de les faire admettre par de nouvelles cortès. Un tel plan devait plaire à l’orgueil

  1. Ayala, p. 124.
  2. Chez les Turcs, l’héritier du trône est le plus proche descendant d’Othman. Le successeur présomptif du sultan actuel est son frère cadet.