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printemps de l’année 1354, don Pèdre se présenta tout à coup avec une petite armée devant Medellin, ville d’Estramadure, dont Alburquerque était le seigneur. Les habitans accueillirent le roi avec empressement, mais les hommes d’armes demeurèrent fidèles à leur maître et se retirèrent dans le château. Là, hors d’état de se défendre long-temps, ils obtinrent une espèce de capitulation fort usitée au moyen-âge : on leur permit de faire connaître à leur seigneur l’extrémité où ils se trouvaient et de le mettre en demeure de les secourir dans un délai convenu. À l’expiration de ce terme, un vassal pouvait, sans enfreindre sa foi, rendre la place qui lui était confiée. Alburquerque, ayant répondu qu’il ne pouvait entrer en campagne, le château de Medellin fut remis au roi, qui le fit aussitôt démanteler[1].

Après ce succès, don Pèdre se porta rapidement contre la ville d’Alburquerque, principale seigneurie de don Juan Alonso qui en tirait son surnom. Elle était bien approvisionnée et gardée par une garnison nombreuse aux ordres d’un chevalier portugais nommé Botelho qui, en ce moment, avait reçu dans sa forteresse comme un ami, peut-être comme un auxiliaire utile, le commandeur de Calatrava, Pero Estebañez Carpentero, neveu du dernier maître dont je viens de raconter la fin tragique. Le roi, d’autant plus irrité de voir les préparatifs d’une résistance vigoureuse qu’il n’avait pas une armée suffisante pour emporter la place de vive force, fit rendre sentence de haute trahison contre le gouverneur et contre Carpenfero. Suivant le droit du moyen-âge, l’arrêt était abusif ; car, d’un côté, Carpentero alléguait qu’il était dans les murs d’Alburquerque comme réfugié, pour se soustraire aux mauvais desseins des ennemis de son oncle, et non comme rebelle, en état d’hostilité contre son souverain ; d’un autre côté, Botelho, avec encore plus de raison, soutenait que, sujet du roi de Portugal et homme-lige d’Alburquerque, il ne devait point d’hommage au roi de Castille, et par conséquent ne pouvait encourir le reproche de félonie en résistant à ses armes. Au surplus, leur bon droit était soutenu par de fortes murailles, et ils étaient gens à faire acheter chèrement leur défaite. Le siége paraissant devoir tirer en longueur, don Pèdre laissa devant le château ses deux frères don Henri et don Fadrique avec Juan de Villagera, et se rendit en Castille après avoir dépêché des ambassadeurs au roi de Portugal pour demander l’extradition d’Alburquerque.

Alphonse IV, grand-père du roi de Castille, se trouvait alors à Evora avec toute sa cour pour les noces de sa petite-fille, fiancée à don Fernand, l’aîné des infans d’Aragon. Au milieu des fêtes célébrées à l’occasion de ce mariage, les envoyés castillans obtinrent leur audience ;

  1. Il est permis de révoquer en doute la sincérité de ce désintéressement ; on a vu que les domaines de Coronel avaient été en majeure partie donnés par don Pèdre à la fille de doña Maria de Padilla. Ayala, p. 83.