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D’ailleurs, dans l’état actuel de leur législation, l’ecclésiastique italien n’existe pas pour eux. La loi anglaise ne connaît pas le pape. Il y a une péninsule qu’on appelle communément l’Italie, il y a une ville qu’on appelle généralement Rome ; mais le pape, c’est un mythe. Depuis la réformation, c’est un personnage de la fable ; la loi défend absolument de le connaître. A l’heure qu’il est, en l’an de grace 1847, un ministère anglais qui ouvrirait des communications officielles avec la cour de Rome s’exposerait à une accusation de haute trahison. Nous aimons à croire que lord John Russell ne serait pas décapité pour cela ; mais ce ne serait pas la faute des lois, ce serait celle des mœurs. Nous pourrions citer à ce propos un fait assez curieux qui se passa il y a environ vingt-cinq ans. Quand le pape Léon XII monta sur le trône pontifical, il annonça son avènement au roi George IV. M. Canning, alors ministre, consulta les avocats de la couronne, qui furent d’avis que le gouvernement anglais ne pouvait faire aucune réponse à cette communication, sans encourir les peines de præmunire portées par l’acte d’Élisabeth. M. Canning se contenta donc de mentionner le fait dans la chambre des communes ; mais le roi d’Angleterre ne répondit pas au pape. De son côté, la cour de Rome continue à faire lire tous les ans la bulle in cœina Domini, par laquelle la reine, le clergé, la noblesse et le peuple d’Angleterre, sauf les catholiques, sont excommuniés et anathématisés pour désobéissance au souverain pontife, de sorte que les deux puissances restent ainsi, en plein XIXe siècle, l’arme au bras, avec des bulles et des actes du parlement qu’aucune des deux ne prend au sérieux. Nous comprenons que les gens raisonnables des deux côtés désirent mettre un terme à ces puérilités ; mais ce qu’il y a de plus curieux et de plus piquant, c’est que l’opposition au rétablissement des communications normales et sérieuses entre les deux sera certainement plus vive du côté de la libérale Angleterre que du côté de l’absolutiste cour de Rome.

Plusieurs modifications ont eu lieu, d’autres sont sur le point de se faire dans le personnel administratif et diplomatique. Attacher à chaque département ministériel sous un titre ou sous un autre un auxiliaire de l’homme d’état que la politique y amène et y change très justement à son gré, un second consul qui partage les travaux qu’un seul ne peut accomplir, un alter ego qui, faisant cesser les intérims dérisoires de collègues déjà surchargés, dirige chaque administration quand son chef nominal court de fait administrer au loin, voilà une idée simple que les Romains avaient devinée avant le gouvernement représentatif, que les Anglais ont depuis long-temps mise en pratique, et que, dit-on, nous allons adopter enfin après en avoir parlé depuis que nous possédons des chartes sans toutes leurs conséquences.

L’idée des sous-secrétaires d’état n’est donc pas neuve ; nous osons croire qu’elle n’en sera pas moins féconde. Pour ne pas prendre les choses de trop haut, notre pays est gouverné depuis dix-sept ans, gouverné très bien comme il pense, puisqu’il a été gouverné par des majorités légales et leurs chefs parlementaires ; mais, si la France a été gouvernée comme elle l’entend et comme la restauration n’a pas voulu l’entendre, elle rend justice à chacun suivant ses œuvres, en trouvant qu’elle n’a peut-être pas été suffisamment administrée depuis l’empire, où elle l’a été trop. Des budgets qui, après trente ans de paix, n’ont pu encore se solder sans déficit, le lui diraient assez haut, si elle ne le savait de toute son expérience représentative, et si ce n’était une de ces vérités qui se sentent, qui se touchent, et qui ont en quelque sorte tout le monde pour organe, car elles