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dant ce temps, les troupes de la ligue faisaient des sorties ; une colonne avait pénétré au cœur de l’Argovie catholique, jusqu’au célèbre couvent de Mugi. Un mois plus tôt, ces tentatives auraient pu avoir des suites importantes, car un des principaux élémens de la force de la ligue, c’était la sympathie que sa cause devait trouver dans les minorités de plusieurs cantons radicaux ; mais le moment était passé : les tentatives de pronunciamientos avaient été comprimées avant l’explosion de la guerre, et les petits cantons, qui ne voulaient pas prendre l’offensive, n’avaient pas pu les seconder.

Il ne fallait donc plus compter sur des diversions. Lucerne et les cantons primitifs se sont trouvés seuls en face de toutes les forces radicales. L’issue de la lutte ne pouvait être douteuse ; mais Lucerne s’est du moins défendue honorablement, et n’a cédé qu’après deux jours de combat. L’armée d’invasion a trouvé un secours prévu dans le parti radical, qui a toujours été puissant au sein même de la ville. Pendant que les troupes étaient allées défendre les positions avancées, une révolte a éclaté à l’intérieur, et le général de la ligue, ainsi pris entre deux feux, s’est embarqué sur le lac et s’est réfugié dans l’Unterwald avec les débris de ses troupes.

Les trois petits cantons, eux aussi, viennent de quitter la partie. Il parait qu’ils ont demandé à capituler, à la condition de ne pas être occupés militairement et de ne pas payer les frais de la guerre, ce qui les ruinerait. Le dernier rempart est tombé ; le cœur même de la Suisse a failli : l’humanité fait un devoir de ne pas le regretter, puisque la résistance n’était pas possible, mais en vérité c’est tout ce que nous pouvons faire.

La question suisse est la seule qui ait été mentionnée dans le discours d’ouverture du parlement anglais. Hors cela, la reine Victoria a seulement exprimé sa confiance que la paix ne serait pas troublée, ce qui a généralement été regardé comme une allusion aux affaires d’Italie. Le parlement anglais aura une besogne plus que suffisante à l’intérieur. Les opérations préliminaires requises pour la constitution de la nouvelle chambre des communes n’ont duré que trois jours. Le premier jour, le speaker ou président pour toute la législature a été élu à l’unanimité. La présidence de la chambre élective en Angleterre est une fonction non-seulement très honorable, mais aussi très lucrative. Le speaker a 150,000 francs de traitement et un hôtel. A la fin de son service, s’il n’est pas réélu, il est généralement élevé à la pairie, avec une pension de 100,000 francs pour deux générations. M. Shaw Lefèvre, après avoir présidé déjà deux législatures, a été réélu avec le concours et les félicitations de tous les partis.

L’affaire de l’élection de M. de Rothschild a été ajournée à quinzaine. Le ministère anglais en fait, et avec raison, une question générale ; lord John Russell présentera un bill pour relever les Juifs des dernières incapacités civiles et politiques qui les frappaient encore. On sait que les Juifs étaient déjà admis à certaines fonctions publiques, celles de sheriff, celles de conseiller municipal ; ils avaient depuis long-temps aussi le droit électoral. Une formule accidentelle dans un serment dirigé contre les partisans des Stuarts se trouve encore exclure les Juifs du parlement ; c’est cette formule : « Sur la vraie foi d’un chrétien, » que le bill de lord John Russell fera disparaître. On ne saurait croire à quel point cette mesure de tolérance a irrité le parti de l’église en Angleterre ; chaque jour, les organes du protestantisme puritain prêchent une croisade contre Israël. Néanmoins on ne doute pas du succès du bill dans la chambre des communes, il n’est