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REVUE DES THEÂTRES.




LE THEÂTRE-FRANCAIS. - L'OPERA.




La critique est souvent accusée de dénigrement et de malveillance ; il semble que ses fonctions, ses habitudes, son nom même, ne puissent se concilier aisément avec la louange, et qu’appelée par vocation ou par état à chercher les défauts des ouvrages soumis à son contrôle, la nécessité de louer devienne pour elle une abdication et un chagrin. Il n’en est rien. Cette habitude d’analyse n’est, chez les critiques sincères, que la faculté plus ou moins développée de distinguer, dans les œuvres de l’esprit, les côtés vulgaires qui, malgré le suffrage de la foule, ne peuvent être ratifiés par le goût, et les portions à la fois exquises et vraies, finement et justement senties, sur lesquelles tout le monde doit penser de même. Ce n’est pas une querelle qu’il s’agit d’établir en repoussant ce que le succès adopte ; c’est plutôt une réconciliation à préparer en marquant cette limite étroite, cette mitoyenneté, ce point unique, difficile, possible pourtant, où les raffinés et les bonnes gens peuvent s’accorder dans leurs approbations et se rencontrer dans leurs jouissances. Là est le vrai rôle, l’utilité réelle de la critique. Mais il n’y a pas de leçon profitable sans un exemple qui la résume et la vivifie ; c’est donc une bonne fortune que la rencontre d’un ouvrage qui puisse servir d’application et d’appui à ces distinctions délicates, préciser d’un trait vif toutes ces nuances, et satisfaire ceux qui raisonnent le moins leurs plaisirs littéraires en charmant ceux qui les discutent le plus : heureux momens qui avancent mieux les questions et secondent mieux les intérêts de l’art que des volumes de polémique et des années de disputes !

On doit compter parmi ces heures précieuses et trop rares la première représentation d’Un Caprice à la Comédie-Française. Nous le pensions depuis long-temps, et nous n’avons pas attendu pour le dire, une des qualités distinctives du talent de M. Alfred de Musset, ce n’est pas seulement la fantaisie dans tout ce qu’elle a de plus idéal et de plus frais ; ce n’est pas seulement le don merveilleux, inné, d’être à tout propos le poète de Platon, ce quelque chose de léger et de