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Léonor avait puni sa tentative ; mais l’asile qu’il avait trouvé en Castille, le rang élevé qu’il y occupait, son alliance avec le ministre tout-puissant de don Pèdre, étaient pour Pierre IV des sujets incessans d’inquiétudes et d’irritation. L’accueil fait à don Tello, l’empressement du roi à accepter son hommage était un acte de représaille. En couvrant de sa protection les rebelles de Castille, Pierre voulait montrer qu’il pouvait dorénavant combattre le Castillan à armes égales et lui rendre tout le mal qu’il en avait à redouter. Ainsi, par un singulier hasard, les deux rois trouvaient des alliés dans la famille l’un de l’autre, et chacun avait à sa disposition les moyens d’allumer la guerre civile chez son voisin. L’aigreur croissante entre les deux cours était encore irritée par l’ambition inquiète de don Fernand, qui, après s’être cru un instant roi de Castille, déchu de cette espérance, tournait maintenant ses vues vers l’Aragon. On lui attribuait le dessein de renouveler la tentative qui lui avait si mal réussi quelques années auparavant, et de fait il errait sur la frontière, cherchant à réchauffer le vieux levain de la ligue valencienne. De son côté, le roi d’Aragon, instruit de ces menées, avait réuni dans le royaume de Valence un corps de troupes considérable, prêt à repousser une attaque, résolu peut-être à la prévenir. Telle était la situation des choses, lorsque Alburquerque parut devant Monteagudo.

Il désirait la paix sincèrement, car il n’avait rien à gagner à la guerre que l’agrandissement de l’infant d’Aragon, dont il se souciait peu. Sa haine et son intérêt lui commandaient également de concentrer tous ses efforts contre le dernier chef de la faction de Lara, et, pour assouvir sûrement sa vengeance, il fallait qu’il fût délivré de l’inquiétude d’une guerre étrangère. Son premier soin fut donc d’ouvrir des négociations avec l’Aragonais, qui s’y prêta avec empressement. Le ministre qui jouait alors auprès de Pierre IV le même rôle qu’avait Alburquerque auprès de don Pèdre, don Bernal de Cabrera, était un ennemi déclaré d’Alonso Coronel[1], et le désir de perdre un homme qu’il détestait ne contribua pas peu sans doute à presser l’accord entre les deux couronnes. Ouvertes dans la ville d’Agreda vers le milieu de l’automne, les conférences se terminèrent promptement par un traité d’alliance conclu au château d’Atienza, le 29 octobre 1352. Les deux rois ayant les mêmes griefs, les mêmes appréhensions, faisaient les mêmes sacrifices pour s’assurer une domination tranquille. Ils se jurèrent de pardonner aux princes de leurs maisons en hostilité déclarée ou secrète contre leurs gouvernemens. Don Pèdre s’engagea de recevoir à merci

  1. Don Bernal de Cabrera avait des prétentions sur la seigneurie d’Aguilar. En la réunissant au domaine royal, don Alphonse avait dédommagé Cabrera et Coronel ; mais, ni l’un ni l’autre ne se tenant pour satisfaits, leur animosité subsistait tout entière. V. Zurita, Annales de Aragon, t. II, p. 248, verso. — Ayala, p. 67 et suiv.