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des taxes. Au nombre et à la gravité des plaintes, on juge quelle est l’étendue du désordre dans cette partie de l’administration. Parmi les mesures provoquées par les cortès, il faut citer un nouveau recensement général pour établir l’assiette de la capitation, recensement devenu absolument nécessaire depuis le fléau qui venait de ravager la Péninsule, et l’établissement d’une surveillance particulière pour réprimer les exactions ordinaires alors aux officiers du fisc. A certains égards, cette dernière institution rappelle celle des Missi dominici de Charlemagne[1].

L’administration de la justice donne également lieu à de nombreuses remontrances, mais où percent clairement les jalousies aveugles des différentes provinces de la monarchie, trop nouvellement réunies pour avoir encore oublié leurs vieilles antipathies, au point de former un corps de nation. Chaque ville voudrait que ses magistrats fussent choisis sur son territoire ; elle ne regarde pas comme un concitoyen, elle croit presque un ennemi quiconque est né hors de ses murs[2].

Une réclamation plus juste et plus éclairée obtient de la couronne que nul ne sera soustrait à ses juges naturels ; que des commissaires royaux surveilleront avec vigilance les officiers de justice[3] ; enfin, comme dernière ressource contre la prévarication des magistrats, que tout Castillan pourra venir porter ses plaintes par devant le roi lui-même[4].

L’audace des bandits qui infestaient les grandes routes, et qui pillaient même les villages et les villes, appelait les mesures les plus énergiques pour leur destruction. Sur la demande des députés, le roi ordonne l’institution d’une garde civique chargée de la police et particulièrement de la poursuite des malfaiteurs. On devine la grandeur du mal à l’énergie des remèdes employés pour le combattre. Toute la population de la Castille est mise sous les armes. Dans chaque ville ou village, un quart des habitans doit toujours être prêt à courir sus aux brigands. On fixe la distance à laquelle la poursuite doit s’étendre ; on dispose les hommes d’armes par relais, si je puis m’exprimer ainsi, qui se succéderont les uns aux autres jusqu’à la prise ou l’extermination des bandits. Mais ce n’est pas seulement contre les voleurs de grands chemins que cette milice doit agir. Elle est encore chargée de combattre les rebelles au gouvernement, et ses services sont particulièrement requis pour la destruction des maisons fortes (casas fuertes) : c’est ainsi que sont désignées les retraites de ces gentilshommes ennemis des lois ; alors très nombreux dans toute l’Espagne. Pour faire le siège de ces forteresses, les lieutenans du roi pourront

  1. Ibid., art. 40, 55.
  2. Ibid., art. 58.
  3. Ibid., 50, 54, 55.
  4. Ibid., art. 48.