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Deux articles des cahiers de la noblesse sont à noter comme indiquant un accord des ordres entre eux. Le premier exprime le vœu qu’aucune décision relative à l’un des trois ordres n’intervienne dans les cortès en l’absence des représentans de l’ordre intéressé[1] ; le second sollicite en faveur des députés des communes une indemnité pour leurs frais de séjour pendant la durée des sessions[2]. On verra tout à l’heure que les communes ne demeurent point en reste de bons procédés à l’égard de la noblesse.


IV.

En examinant les pétitions adressées au roi par les députés des villes, on reconnaît le rôle important qu’ils avaient alors dans les assemblées nationales. C’est en effet dans leurs cahiers seulement que se trouvent traitées les questions les plus élevées et les plus intéressantes pour la prospérité du pays. Ils offrent le mélange, naturel à l’époque où ils furent rédigés, d’idées grandes et généreuses et de préjugés étroits. Tel est le moyen-âge, surtout en Espagne ; et, si l’on compare les opinions exprimées dans les cortès de Valladolid avec celles qui dominaient alors dans tout le reste de l’Europe, la barbarie de certaines institutions de la Castille causera moins de surprise que la sagesse de quelques autres n’excitera d’admiration. Qui s’étonnera de voir, en 1351, les députés des communes demander pour les débiteurs chrétiens l’autorisation de faire banqueroute à leurs créanciers juifs[3], ou bien vouloir interdire à ces derniers le droit de posséder des terres, en leur accordant celui de prêter à usure[4]. Ce qui surprendra davantage, c’est que, dans la même assemblée, on réclame et l’on obtienne l’abolition des maîtrises et la liberté la plus complète dans l’exercice de toutes les professions[5] ; qu’on y stipule l’inviolabilité des députés[6] ; qu’on y demande des garanties pour la liberté individuelle[7] ; enfin, qu’on arrache à la couronne la promesse de révoquer ces immunités scandaleuses qui, dispensant de l’impôt quelques villes privilégiées, en rendaient le poids intolérable aux autres[8].

Environ la moitié des réclamations présentées par les communes a pour objet la réforme des abus existant dans la répartition ou le prélèvement

  1. Ord. de Fijosdalgo, art. 23.
  2. Ibid., art. 22
  3. Cortés de Valladolid, Cfr. art. 64, 65, 74, 75.
  4. Ibid., art. 66.
  5. Ibid., art. 49.
  6. Ibid., art. 34.
  7. Ibid., art. 16, 22.
  8. Ibid., art. 36.