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une espèce de memorandum destiné à rappeler un discours étendu ou même une discussion approfondie[1].

Si ces documens nous sont parvenus dans leur intégrité, comme il y a tout lieu de le croire, on sera d’abord surpris de n’y trouver aucune allusion aux événemens politiques qui venaient de marquer l’accession au trône de don Pèdre. Le meurtre de Garci Laso, le séquestre des domaines de Lara, la proscription de son fils, la guerre de Biscaïe, ne paraissent pas avoir été l’objet d’aucune représentation de la part des riches-hommes, et l’exécution des bourgeois de Burgos, la violation de leurs libertés, n’attirent pas davantage les plaintes des députés des communes. Je ne puis voir, en effet, qu’une formule banale dans la demande de confirmer les anciennes franchises et les privilèges existans, qui précède les cahiers de chaque ordre, et ce serait y attacher une importance fort exagérée, que de la prendre pour une protestation contre les derniers actes du gouvernement, actes non-seulement contraires aux franchises de chacun des ordres, mais encore à toutes les lois. Du silence étrange de l’assemblée, il faut conclure, ce me semble, l’approbation tacite des mesures violentes prises par Alburquerque, ou bien y reconnaître une preuve de l’intimidation dont ce ministre était parvenu à frapper tout le parti de Lara[2].


II.

Les vœux exprimés par le clergé ne comprennent que vingt et un articles, la plupart contenant des plaintes contre des usurpations ou des exactions exercées soit par des riches-hommes, soit par les officiers du fisc. Surtout les prélats réclament avec force quelques-uns de leurs droits féodaux détournés au profit de la couronne par le feu roi don Alphonse. On sait que l’invasion des Maures africains l’avait obligé à faire servir aux nécessités de la guerre une partie des revenus ecclésiastiques. Depuis la victoire du Rio Salado, aucune restitution n’avait eu lieu. À ces réclamations, les réponses du roi sont en général évasives ; quelquefois il oppose un refus absolu fondé sur la pénurie du trésor. Il déclare, par exemple, fort nettement qu’il entend garder les salines enlevées aux églises et assimilées au domaine royal[3]. On remarquera que les pétitions du clergé, à une seule exception près, sont toutes relatives à ses intérêts temporels, comme si les ecclésiastiques ne siégeaient aux cortès qu’en qualité de seigneurs féodaux. Lorsqu’ils

  1. Il faut ajouter qu’on ne connaît pas le texte même de ces cahiers, mais seulement l’exposé des demandes qui précède les réponses royales. On ne sait si cet exposé est littéralement reproduit, ou si ce n’est qu’un abrégé.
  2. Voir cependant Cortès de Vall., art. 16 et 22. Il en sera parlé ci-après.
  3. Cortès de Vall. Ord. de Prelados, art. 5.