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Laso ! » Trois écuyers d’Alburquerque se saisirent du seigneur de la Vega. Il vit que son sort était décidé, mais, trop fier pour demander grace, il dit au roi : « Sire, que ce soit votre merci de me donner un prêtre à qui je me puisse confesser. » Puis, se tournant vers un des hommes qui le tenaient : « Rui Fernandez, mon ami, dit-il, veuillez aller trouver doña Léonor ma femme, et lui demandez cette indulgence du pape qu’elle conserve. » L’écuyer refusa de se charger du message, mais on amena au prisonnier un prêtre qui se trouva dans le palais. Tous les deux furent conduits par les arbalétriers de la garde dans un passage étroit qui donnait sur la rue, et là le prêtre reçut la dernière confession de ce vieux guerrier plein de vie qui allait mourir. Au même moment, les gendres et le petit-fils de Garci Laso étaient arrêtés et renfermés dans un appartement du palais. Cependant Alburquerque comptait les instans qu’il laissait à sa victime. Bientôt, impatient, il avertit le roi qu’il était temps de donner les derniers ordres. Don Pèdre, habitué à répéter ceux de son ministre, chargea deux des gentilshommes d’Alburquerque d’aller dire aux gardes du prisonnier qu’ils le dépêchassent. Les arbalétriers, exécuteurs aveugles des volontés du roi, doutèrent d’un ordre qui leur était transmis par des serviteurs d’Alburquerque, et, comme l’alcade Domingo, ils voulurent le recevoir de la bouche même de leur maître. Un d’eux, s’étant détaché, alla lui demander ce qu’il fallait faire de Garci Laso. « Qu’on le tue ! » répondit le roi. Bien averti cette fois, l’arbalétrier courut au prisonnier et l’abattit d’un coup de masse sur la tête. Ses camarades l’achevèrent à coups de dague. Le corps de Garci Laso fut jeté sur la grande place, où l’on célébrait l’entrée du roi à la mode castillanne par une course de taureaux. Ces animaux piétinèrent le cadavre et l’enlevèrent plusieurs fois sur leurs cornes. On le leur arracha pour l’exposer sur une estrade aux regards de la foule. Il y demeura tout un jour. Enfin on le déposa dans une bière, qui fut fixée sur le rempart de Comparanda. C’était le traitement réservé aux restes des grands malfaiteurs[1].

La même semaine, le roi, dînant avec Alburquerque, vit passer les trois bourgeois arrêtés avec Garci Laso, et qu’on menait au supplice. C’est ainsi qu’on apprenait à régner au malheureux don Pèdre. Le ministre implacable fit encore jeter en prison doña Leonor de Cornago, femme de Garci Laso, mais elle avait eu le temps de confier son fils à quelques serviteurs fidèles, qui parvinrent à le conduire dans les Asturies auprès du comte de Trastamare. La terreur régnait à Burgos, et quiconque avait élevé la voix pour défendre les privilèges de la commune ou pour soutenir les droits de don Juan Nuñez, ne croyait pas pouvoir trouver de retraite assez sûre pour cacher sa tête, Don Henri

  1. Ayala, p. 37-43.