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des murs et des colonnes est sensible à l’œil : isolée, chaque partie semblerait menacer ruine ; réunies, elles forment un tout inébranlable.

M. Leake et d’autres savans anglais ont pensé à tort que Phidias avait eu en vue la solidité réelle et la durée de son ouvrage. Il ne faut pas oublier que les lois de la statique ne sont jamais applicables dans toute leur rigueur ; pour un édifice construit de grands blocs juxtaposés sans ciment et quelquefois polis au point de glisser aisément les uns sur les autres, la plus grande solidité réelle est obtenue lorsque chaque morceau pèse uniquement sur celui qui le supporte et n’agit que suivant la verticale. Les voûtes s’écroulent avant leurs culées, et les flèches s’inclinent parce que leurs côtés ne pèsent pas également sur l’axe imaginaire qui les traverse. Il était nécessaire de s’arrêter sur ce point, car les ouvrages d’hommes savans, mais trop préoccupés peut-être d’une même idée, ont répandu cette fausse opinion, que les Grecs songeaient surtout à la solidité de leurs constructions. Il est certainement dans le génie des Grecs de songer d’abord à la beauté ; sans négliger la durée, ils ont voulu plutôt donner à leurs monumens l’apparence de la solidité que la solidité même. En faut-il d’autres exemples que le temple de Minerve ?

La majesté qui éclate dans l’ensemble du Parthénon n’éclate pas moins dans ses parties : elle se retrouve dans les colonnes, dans les chapiteaux, dans l’entablement, dans les portes même. Le galbe des colonnes du Parthénon s’éloigne du cylindre et se rapproche du cône ; étroites à la partie supérieure, elles ont une base large et bien assise sur le sol. Le génie grec a compris, dès les premiers temps, qu’une colonne voisine du cylindre a besoin, pour paraître solide, d’être soutenue par un piédestal plus large qu’elle. Il a donné le piédestal à l’ordre ionique et au corinthien ; mais la colonne dorienne se suffit à elle-même et peut rester droite sans aucun secours étranger. Il y a donc plus de puissance et de majesté dans la colonne dorienne que dans les deux autres ; celles-ci, en effet, semblent posées sur le pavé du temple, tandis que les cannelures de la colonne dorienne, descendant obliquement et reposant à nu sur le sol, paraissent s’y enfoncer en s’élargissant et n’en pouvoir être arrachées.

Le chapiteau dorique est également le plus grave des trois. Les anciens avaient conçu la colonne ionique, dit Vitruve, suivant les proportions du corps de la femme, plus allongée et plus faible, reposant sur sa base comme sur une chaussure, et parée de ses volutes élégantes comme de boucles de cheveux. Qui n’a pas lu dans l’écrivain romain la charmante histoire de la jeune Corinthienne ? Elle était morte avant l’âge ; sa pieuse nourrice apporta sur son tombeau une corbeille remplie des objets qu’elle avait aimés. Posée sur la racine d’une acanthe, la corbeille en détourna les jeunes feuilles, qui l’enveloppèrent en s’arrondissant. Callimaque y puisa l’idée du chapiteau corinthien. Ni l’un ni l’autre de ces deux ordres ne convient à Minerve : ses cheveux sont couverts du casque, et à la corbeille elle préfère l’égide.

Les entablemens du Parthénon forment, avec le reste du temple, une belle harmonie ; ils sont partagés en deux assises : l’une inférieure, ornée de boucliers d’or et d’inscriptions ; la supérieure, divisée uniformément par les triglyphes, dont les intervalles carrés contenaient des sculptures. Les architraves reposaient sur les tablettes carrées des chapiteaux et s’appuyaient largement sur les puissantes colonnes du péristyle. Il faut encore ici remarquer un progrès de