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qui fut pour Noé le gage de la réconciliation divine. Il était, certes, permis de protester, au nom du bon goût, contre un rapprochement si étrange, si violemment opéré ; mais, en le prenant pour texte d’une furibonde homélie, on manquait au bon sens, tout autant qu’à la charité chrétienne, et c’était une bonne fortune à ne pas négliger que le débat porté sur ce singulier terrain. Aussi Hood n’attendit-il même pas l’apparition du livre où le blâme projeté devait se trouver. On voit, à cet empressement inusité, qu’il avait depuis long-temps à cœur d’écrire sa confession religieuse, son Credo de poète :


« Je ne suis point un saint, s’écrie-t-il, — du moins je ne suis pas un de ces saints béatifiés par eux-mêmes, charlatans de la médecine morale, pseudo-conseillers intimes de l’Être suprême, damnant à tout propos les pauvres pécheurs, et certains d’avoir accès au paradis comme s’ils avaient pris l’empreinte des clés de saint Pierre. Vainement on chercherait sur mes traits les signes caractéristiques de la profession. Il y manque certain dévot abaissement des paupières ; je n’ai ni le bout du nez assez relevé, ni la lèvre inférieure assez abaissée des coins en signe de mépris pour toute chose sublunaire. Bref, cet air malfaisant et décidément profane que la nature m’a donné ne me permettrait pas de faire figure à Exeter-Hall[1]… Le levain des bigots ne fermente pas chez moi. Toute croyance me paraît tolérable, et je serais fâché de considérer le ciel comme le bourg-pourri de qui que ce soit… Si je lis les saintes Écritures, c’est en secret, et je ne farcis pas mes livres d’un hachis évangélique ; je n’affecte pas de me hisser sur des échasses bibliques. Mon Dieu, à moi, n’est pas un maître (a lord) exclusif, aux instincts patriciens, et je n’adopterai jamais cette croyance impie, que la route du ciel est aisée aux riches, dure aux pauvres hères, parqués pour ce voyage comme on l’est sur un paquebot. »


Les sarcasmes se succèdent ainsi, de plus en plus vifs, de plus en plus personnels, et toujours reparaît sous la plume de Hood ce dogme théiste d’une religion universelle, la même au fond du cœur des hommes, et dont les formes diverses sont indifférentes au souverain maître. Il compare la foi, sans cesse élancée vers le ciel, mais faible et s’étayant de tout appui extérieur, à une plante parasite, qui, selon le climat et le sol, accroche ses flexibles vrilles à l’arbre, quel qu’il soit, placé par Dieu dans son voisinage immédiat. Donc, avant d’insulter aucune des croyances humaines, il faut considérer que le hasard de la naissance pouvait nous l’imposer :


« Vous-même, ô Rae, pensez-y bien, vous auriez pu être grand prêtre de Mumbo-Jumbo !… Il ne faut donc pas qu’un étroit esprit de secte vous fasse méconnaître ce vrai catholicisme, cette large communion, ce foyer universel des ames chrétiennes… Craignez, mon pieux ennemi, craignez l’orgueil… Et, dussiez-vous le remplacer par un autre, évitez surtout l’orgueil de la conscience. Il y a l’orgueil du rang, l’orgueil de race, l’orgueil du savant, l’orgueil de l’enrichi,

  1. C’est à Exeter-Hall que se tiennent la plupart des meetings religieux.