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des connaissances humaines l’instrument de leurs méthodes, d’inaugurer Bacon dans le monde scientifique, de plaider pour les libertés de la pensée. D’absolue qu’elle était, elle est devenue essentiellement contingente, et elle n’arrive jusqu’au public qu’en se faisant introduire près de lui par la politique.

Dans les sciences législatives, le travail a été fécond et fructueux. Il y a eu d’une part renaissance des études historiques, de l’autre avènement de plusieurs branches nouvelles, telles que la législation comparée et le droit administratif. Le droit criminel a été mis en rapport avec l’économie politique, et la synthèse philosophique s’est développée parallèlement aux travaux de bétail et aux monographies.

Dans la section bibliographique qui se rapporte à l’instruction primaire et supérieure, ainsi qu’à l’éducation morale, la production, sans répondre d’une manière satisfaisante à l’importance de son objet, a donné d’utiles résultats. On a profité des leçons de l’expérience pour rectifier les théories ; on voit mieux le but vers lequel il faut diriger les communs efforts. On travaille, beaucoup plus qu’on ne l’avait fait jusqu’ici, à l’alliance de l’instruction et de la morale, et la lutte qui a éclaté dans ces derniers temps, en ramenant l’attention sur des questions dont on s’était détourné trop vite, ne peut manquer de profiter à la cause du progrès sérieux.

Dans les sciences naturelles, physiques et mathématiques, la marche ascensionnelle a été pour ainsi dire irrésistible, quoique souvent irrégulière et désordonnée. L’esprit d’observation a fait place à l’esprit de système. Recueillir des faits, contrôler les théories, aller droit aux applications, tout en laissant à la recherche purement scientifique une large place, servir à la fois la puissance matérielle de l’homme et son perfectionnement moral, tel est le travail des savans contemporains. De ce côté, le progrès a été immense, et tellement apparent qu’il est devenu sensible pour ceux mêmes qui sont le plus étrangers aux sciences.

L’économie politique, toute jeune encore, a acquis en quelques années une maturité qui n’appartient qu’aux doctrines éprouvées par leur âge. Toujours libre dans ses discussions, traitée avec bienveillance par le pouvoir lors même qu’elle est agressive, elle s’est posé tous les problèmes, elle a signalé toutes les plaies sociales, et pour chacune d’elles cherché des remèdes ; elle a substitué aux systèmes préconçus la méthode expérimentale ; elle s’est en bien des points débarrassée des théories égoïstes de l’école anglaise, et, en donnant la main à la statistique, au droit administratif, à la charité chrétienne, elle a sans cesse élevé son niveau. Sans doute des utopies folles et même menaçantes se sont révélées souvent à côté des systèmes les plus sages, des idées les plus justes ; mais les théoriciens, en provoquant la discussion, n’ont fait que mettre la vérité dans une lumière plus vive, et, comme il y a toujours quelque chose au fond de la pensée humaine, la société, tout en combattant les utopistes qui poussaient contre elle le cri de guerre, a quelquefois profité de leurs critiques. Dégager ce qu’il y a de possible dans chaque théorie, tel est le travail de l’opinion publique ; l’appliquer, telle est l’œuvre du gouvernement.

Dans la littérature, il s’est manifesté pendant ces derniers temps un retour marqué vers l’étude de l’antiquité classique, et cette étude s’est agrandie et fortifiée. La littérature du moyen-âge a été exhumée tout entière ; la philologie orientale a fait