Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/557

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’auront provoquée. Nous avons peu d’espoir et peu de confiance, nous devons le dire, dans les propositions de transaction dont on parle encore en ce moment. Nous en aurions plus dans la neige, si elle voulait tomber, et dans le manque d’argent ; mais, à l’heure qu’il est, on est allé trop loin de part et d’autre pour qu’il soit possible de reculer ou même de s’arrêter. Tout se prépare pour la bataille ; le ministre de Russie a déjà quitté la Suisse ; l’ambassadeur d’Autriche a aussi quitté Zurich en déclarant, de la part de son gouvernement, que, la guerre étant près d’éclater entre deux grands partis qui partageaient presque également la confédération, il ne croyait pas devoir y résider. C’est à peu près comme si l’Autriche déclarait qu’elle cesse de reconnaître dans le directoire et dans la simple majorité de la diète le pouvoir légal de la Suisse. Du reste, nous continuons à être persuadés que pendant le cours de la guerre qui paraît maintenant imminente, les puissances laisseront à la Suisse la liberté d’action qu’elle réclame. L’ambassadeur de France n’a point quitté sa résidence de Berne, et il ne doit point la quitter.

En Angleterre, le ministère whig a commencé à réaliser les espérances qu’il apporte habituellement avec lui en matière de finances. La première année de son administration est signalée par la réapparition du déficit. Ce mot de mauvais augure semble s’attacher à son drapeau comme une devise indélébile. Les whigs ont beau avoir beaucoup d’esprit, beaucoup de talent, beaucoup de courage ; il y a un côté par lequel ils pèchent toujours, c’est celui du budget. Ils ont beaucoup d’idées en tout, excepté en matière de revenu ; sur ce chapitre, ils sont complètement nuls. Ils arrivent, pleins d’entrain, pleins de bonne volonté ; on croit qu’ils vont changer la face des affaires ; malheureusement ils la changent à leur façon, c’est-à-dire que, lorsqu’ils entrent par une porte, le revenu public sort par l’autre. Le budget ne peut jamais garder l’équilibre quand ils sont là ; on dirait qu’ils lui font peur. Ils ne sont pas plutôt au pouvoir que les douanes tombent, que l’accise tombe, que tout tombe, et cela continue ainsi jusqu’à ce qu’ils tombent eux-mêmes. Les derniers relevés du revenu ont remis cette particularité dans tout son jour. Pour la première fois depuis cinq ans, les commissaires de la trésorerie ont été obligés de déclarer que, les recettes n’ayant pas égalé les dépenses, ils ne pouvaient consacrer aucune somme à l’amortissement de la dette. C’est là ce qu’on appelle l’idéal d’un budget whig. Ce qui fait la force de sir Robert Peel, c’est qu’il a la confiance de la Cité. Avec lui, on sait toujours à quoi s’en tenir. Que ce soit du bonheur ou de l’habileté, toujours est-il que son nom est associé à l’idée de l’équilibre dans le budget, de l’ordre dans les finances, de la prospérité dans le revenu. Partout ce serait beaucoup, en Angleterre c’est tout. En 1841, le trésor anglais était dans un état désespéré ; sir Robert est appelé au chevet du malade ; il lui tâte le pouls, il lui administre l’income-tax ; John Bull renaît à vue d’œil, il reprend des forces et de l’embonpoint ; deux ans après, il jouissait de la santé la plus florissante. Mais voici que l’ingrat convole en de nouvelles noces ; il va faire l’école buissonnière avec lord John ; de jour en jour, il dépérit, il maigrit ; on voit où il en est aujourd’hui. Ces expériences réitérées ont fait de sir Robert Peel l’homme nécessaire, l’homme budget par excellence. A tort ou à raison, la hausse ou la baisse suit son entrée ou sa sortie. Tout le monde connaît ces grenouilles vertes qui servent de baromètre, qui rentrent sous l’eau quand il doit pleuvoir, et qui en sortent quand il doit