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jeunesse, sur le champ déjà si rempli de la production européenne. La politique anglaise s’y prit au moins de son mieux pour l’empêcher de s’accroître trop vite, en ce moment même où il semblait qu’il allât déjà toucher la mer du Nord. Du mois d’avril au mois d’août 1844, l’Angleterre conclut trois traités qui devaient enchaîner pour long-temps les états alors si publiquement convoités par le Zollverein et continuer à retenir leurs destinées en dehors des destinées communes de la patrie allemande. Hambourg, le foyer du négoce anglais, la citadelle du free-trade, était bien de force à se défendre lui-même, malgré cette propagande inventée par Brême et conduite par la Prusse au nom de l’idée séduisante des droits différentiels. Les autres états du littoral étaient plus exposés à succomber, parce qu’ils n’étaient point aussi exclusivement maritimes. S’ils cédaient à la tentation patriotique qu’on leur prêchait, s’ils adhéraient à l’union allemande de commerce et de navigation que l’on prônait maintenant avec tant de bruit, Hambourg était démantelé ; s’ils résistaient, Hambourg avait un prétexte pour ne se rendre jamais, puisque se rendre tout seul n’avançait à rien, tant que le reste de la côte demeurait ouvert aux importations britanniques.

Ce que l’Angleterre a dépensé de soins et de prévenances, ce qu’elle a lancé d’agens en campagne pour arriver à ses fins de ce côté-là, on ne l’imaginerait pas. Des conventions furent donc passées le 4 avril 1844 avec le grand-duché d’Oldenbourg, le 24 juillet avec le Hanovre, le 10 août avec les deux duchés de Mecklenbourg. Les conventions hanovriennes doivent durer d’un seul trait jusqu’au 1er janvier 1854 ; les autres n’allaient si loin qu’à la condition de n’être point expressément interrompues en 1848. L’Angleterre faisait aux parties contractantes des avantages proportionnels au prix qu’elle attachait à les gagner, et favorisait leur navigation selon le degré de leur puissance. En revanche, elle les emprisonnait dans sa sphère commerciale et leur barrait tout chemin qui aurait pu les rapprocher du Zollverein. Le gouvernement de Mecklenbourg se refusa plusieurs fois à cette défection nationale où l’entraînait le cabinet de Londres ; il ne voulait pas se lier les mains et s’obstinait à les tendre vers la patrie commune. La chevalerie mecklenbourgeoise, qui, par une accession au Zollverein, perdrait l’immunité d’impôt dont elle jouit, la Ritterschaft, vint en aide aux efforts des négociateurs anglais, et enleva le traité dans l’intérêt de ses privilèges. Les conventions hanovriennes étaient les plus importantes de toutes, parce que le Hanovre entraîne naturellement dans son orbite ses deux faibles satellites de l’est et de l’ouest ; elles contenaient un article 7 qui exprimait clairement la volonté de l’Angleterre dans cette entreprise diplomatique poussée contre le Zollverein avec tant de vigueur et d’à-propos.