Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/532

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conformer les droits, le Zollverein n’aurait point assez des ports prussiens pour y appeler cette masse d’opérations. Il lui faudrait alors Anvers, la Hollande, le Hanovre, les bouches du Weser et de l’Elbe. La faveur des droits différentiels tombant exclusivement sur les marchandises qui débarquent dans les ports nationaux, tous ces points de débarquement devraient être incorporés au Zollverein ou lui laisser emprunter leur territoire pour y fonder des établissemens d’emmagasinage et de contrôle, avec des employés à lui chargés de recevoir les marchandises à sa destination. On reconnaîtrait par des avantages de réciprocité ces complaisances ou ces sacrifices, et les Hanséatiques en particulier verraient leur marine grandir et leur considération s’accroître auprès des nations étrangères.

Que si, maintenant, les séparatistes refusaient tout accommodement, on saurait encore se passer d’eux et les amener à résipiscence. C’est là le point capital de la note prussienne. Il suffirait, dans la pensée de ses rédacteurs, d’un acte législatif pour décréter, du jour au lendemain, l’institution des droits différentiels dans toute l’étendue du Zollverein. Le jour où la loi aurait dégrévé toutes les marchandises transatlantiques expédiées avec destination spéciale pour les états de l’union allemande, le monopole des Hanséatiques serait terriblement compromis. Jusqu’ici, tout ce trafic se réalise plus ou moins pour leur compte ou par leurs mains. Ils ne feraient plus dorénavant que le voir passer sous leurs yeux, et l’exportation américaine se garderait bien de leur adresser ses envois, pour les soumettre à la charge du droit différentiel, quand elle serait à même de les affranchir, en les consignant au nom des agens qu’elle a déjà dans l’intérieur du Zollverein. Il n’y aurait pas moyen de résister pour Hambourg, pas plus pour la Hollande. Le midi de l’Allemagne lui-même comprendrait que ses fabriques souffriraient bien moins de la gêne temporaire introduite par la protection dans les transports maritimes, qu’elles ne gagneraient à voir se développer, au profit de la mère-patrie, une branche d’activité si considérable. Le Zollverein, pourvu d’une navigation, créerait aux fabricans des entrepôts plus rapprochés. D’où vient la supériorité du filateur de Manchester ? C’est qu’il a le coton tout prêt à Liverpool, tandis que le filateur allemand, obligé de s’approvisionner d’avance par grandes quantités, ensevelit ainsi en matières brutes un trop fort capital, et ne peut toujours suivre à propos la hausse ou la baisse sur un marché dont il est trop loin. Supposez le magasin à Cologne ou à Magdebourg ; le manufacturier n’y prend que ce qu’il veut à la fois. Et voyez le comble du succès le Hâvre fournit à l’Allemagne du sud 865,000 kilogrammes de marchandises, dont la moitié en coton : avec la faveur décernée par le Zollverein au transit direct, le Rhin va tout aussitôt déposséder le Hâvre.