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qu’ils défendent absolument l’importation des marchandises venues par entrepôt, ce dangereux et coûteux intermédiaire disparaîtra demain ; mais le procédé serait bien radical, et les nécessités commerciales ne se peuvent plus si fort trancher dans le vif. Des droits différentiels ménageront mieux les intérêts aujourd’hui constitués. On commencera par donner une prime au transit direct, pour en attirer chez soi les bénéfices. Aussitôt qu’il sera possible, on réservera ces bénéfices pour les nationaux en donnant également une prime à leur navigation sur celle des étrangers. Il n’y a de bonnes affaires que celles qu’on mène soi-même. Ne voit-on pas les navires hollandais et anglais qui jettent dans le Zollverein les denrées transatlantiques retourner souvent à vide aux ports d’expédition pour y prendre les produits de leur pays plutôt que de retourner immédiatement en Amérique chargés des fabricats allemands ? Dans ces lointaines relations, ce n’est pas seulement le transit direct qui est de principe, c’est le transit par nationaux ; il n’est pas d’autre manière d’affermir ses rapports avec les pays de provenance. Le commerce allemand affranchi des tiers les obligerait de la sorte à traiter avec lui sur un bon pied, et, suivant son goût, userait à leur égard de représailles ou de faveur. Les tiers parlementeraient pour ne point tout perdre, au lieu de se refuser à tout arrangement, comme ils font aujourd’hui qu’ils n’ont plus rien à gagner sur l’Allemagne, l’Allemagne s’en tenant avec eux aux règles trop lâches de la liberté commerciale.

Cette action positive des droits différentiels ainsi dûment constatée, n’est-il rien, dans l’état actuel du Zollverein, qui empêche de les appliquer ? Le Zollverein a prospéré sans eux, son industrie s’est développée sous le régime des droits fixes ; doit-on risquer le régime contraire ?

D’abord il n’est pas prouvé que cette prospérité tienne aux droits fixes ’employés vis-à-vis de l’étranger plutôt qu’à la suppression totale des douanes intérieures. Puis, il s’en faut que cette prospérité soit très générale ; l’industrie linière est tombée d’une valeur de 19 millions de thalers à une valeur de 7, et l’on est menacé de ne plus pouvoir payer du tout ses importations en exportations. Puis aussi, en admettant qu’il y ait progrès réel des manufactures, c’est aux manufactures en progrès à prendre leur part dans le trafic du monde, qui leur est fermé par le système anti-libéral des autres états européens. Puis enfin, en matière de politique commerciale, l’Allemagne doit toujours préférer les voies par où pourrait s’accomplir son unité : or, c’est seulement avec le régime des droits différentiels que l’on a chance de rallier à la commune patrie les séparatistes du nord, et notamment les Hanséatiques.

Le régime n’étant applicable qu’à la condition de pouvoir vérifier à l’arrivée la provenance et le mode de transit des marchandises afin d’y