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On ne saurait bien se figurer la pensée des partisans que ce système a de l’autre côté du Rhin sans analyser ce document essentiel où les vœux du sénateur Duckwitz et de la ville de Brême sont contrôlés à la fois par la sagesse administrative et par les visées politiques de la Prusse.

Le mémoire prussien commence donc par déclarer nettement ce qu’ambitionnent les promoteurs des droits différentiels, trois grandes choses : l’échange des fabricats allemands contre les matières brutes ou les articles de consommation des pays transatlantiques ; le développement de la marine allemande ; l’accroissement de l’empire allemand par une alliance plus étroite avec les villes hanséatiques. De pareilles espérances sont bien pour animer ceux qui les conçoivent ; les journaux, les assemblées parlementaires de toute l’Allemagne en ont retenti ; la ville de Brême a presque officiellement proposé de se rapprocher du Zollverein. Partout c’est sur les droits différentiels que l’on compte pour opérer ces merveilles, chaque jour désormais plus impatiemment attendues. Il faut prouver qu’ils ne manqueront pas leur effet.

Le commerçant qui exporte l’excédant des produits de son pays ne demande qu’à charger ses navires sur retour avec l’excédant des produits du pays où il importe. L’Allemagne consomme en quantité considérable les matières brutes et les denrées qui proviennent des régions transatlantiques, le sucre, le café, le coton ; l’Allemagne aussi travaille beaucoup, et pourrait facilement s’acquitter envers l’Amérique au moyen des fabricats de son industrie. Les provenances américaines devraient donc arriver directement chez elle, puisqu’elles y trouveraient tout de suite de quoi les payer. Comment n’en est-il pas ainsi ? Comment la moitié du café, le tiers du sucre consommé par le Zollverein, viennent-ils des ports hollandais ? Comment se fait-il qu’on tire d’Angleterre la plus grande partie du coton et presque tout l’indigo ? C’est que la Hollande, l’Angleterre, la France, sont bien loin de donner au commerce maritime autant de latitude que l’Allemagne lui en laisse : leur législation favorise spécialement le transit direct des productions transatlantiques et les amène tout droit sur leurs marchés. L’Angleterre arrête ainsi ces productions au passage ; elle les solde en matières ouvrées dont elle est bien mieux fournie que l’Allemagne par cela seul qu’elle en a plus de débit. Son approvisionnement en matières brutes s’élève d’autant, et le commerçant d’Allemagne vient à son tour chercher celles-là sur la place britannique, par la même raison que l’expéditeur américain vient de préférence y demander les produits manufacturés, parce qu’il y a là plus de choix. Le commissionnaire anglais restera-t-il donc toujours en tiers entre l’Américain et l’Allemand ?

Que les états germaniques empruntent à l’Angleterre son acte de navigation,