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leurs gouvernemens, et ces dons ne tombent pas entre des mains indignes ; la jeunesse d’Athènes sait ce qu’ils valent ; nous n’en voulons d’autre preuve que son assiduité constante : le salon de travail de la bibliothèque est ouvert tous les jours pendant l’année scolaire, et tous les jours on y trouve autant de lecteurs qu’il en peut contenir. Aux étudians se mêlent les professeurs eux-mêmes et les étrangers résidant à Athènes, qu’attirent et encouragent les manières affectueuses et l’empressement de l’éphore, M. Typaldos, et du bibliothécaire, M. Apostolidis. Ces deux hommes instruits et dévoués ont créé une bibliothèque européenne qui, comme l’université d’Athènes elle-même, est un foyer de lumières placé entre l’Occident et l’Orient. Ils l’ont créée sans argent, sans argent ils la rendront plus riche et plus variée encore. Rien n’égale l’art avec lequel ils provoquent ou stimulent la générosité des puissances amies. Grace à leur activité irrésistible, l’université aura bientôt, avec une bibliothèque, une collection d’antiques et un musée de peinture. Il ne lui faut pour cela que du temps.

Avec le temps aussi, l’université d’Athènes arrivera à tenir un rang élevé parmi les universités du monde. Aucune n’a plus d’avenir qu’elle ; aucune n’aura exercé une plus grande influence et dans le pays même et dans les pays voisins. Les destinées morales de la Grèce sont entre ses mains. Ce peuple est jeune ; il attend une direction ; il suivra docilement les voies qu’on lui aura tracées. Si la partie éclairée de la nation va droit au bien, le reste sera entraîné par elle, et la gloire en reviendra à ceux qui disposent de l’enseignement supérieur. Des considérations d’un autre ordre achèvent de faire sentir l’extrême importance du rôle auquel l’université est appelée. C’est depuis long-temps un axiome politique que la force d’une nation est en raison directe de son unité ; si l’unité est nécessaire à des nations toutes faites et dont la constitution puissante a résisté à l’épreuve des siècles, comment un royaume qui n’est que d’hier pourrait-il impunément s’en passer ? La Grèce a encore beaucoup à faire, non, Dieu merci, pour assurer son existence, mais pour la développer et la compléter. Il lui serait mortel d’éparpiller ses forces ou de les paralyser en les opposant. Cependant elle ne les a pas réunies encore autant qu’il est possible. Les provinces qui la composent, et qui formaient des états divers dans l’antiquité, sont séparées ou par des mers profondes ou par de hautes montagnes. De là des différences dans les mœurs, dans le costume, dans le langage. De là, dans plus d’un endroit, cette vie qui ressemble un peu à la vie des tribus indépendantes, et ces attachemens personnels qui font parfois que l’on préfère la cause d’un homme à celle du pays tout entier. Un gouvernement unique, une administration unique, des communications plus faciles, doivent sans doute, à la longue, abaisser ces barrières, effacer ces différences, rapprocher les extrémités du centre, et faire de tous les membres de la nation un seul et même corps ; mais c’est à l’université qu’il appartient de produire l’unité des esprits et par là celle des aines. Elle le peut, elle le fait. Déjà, depuis qu’elle est créée, elle a su, en l’absence d’une compagnie semblable à notre Académie française, s’emparer de la langue, la purger en partie des mots étrangers qui altéraient sa physionomie, l’enrichir, lui donner des règles et la répandre en même temps dans le pays par l’enseignement et par les livres. A l’aide de cette langue, pénètrent sous la même forme, dans un grand nombre d’esprits à la fois, les saines idées que l’université trouve, recueille,