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n’avaient existé jusqu’à la fin du XVIIIe siècle que malgré la volonté des sultans et comme par miracle, furent officiellement autorisées par un diplôme que le dévouement éclairé du prince Dimitrakis Mourouzis obtint du faible Sélim III. De nouveaux établissemens d’instruction publique furent fondés, plus riches et d’une organisation meilleure. A Constantinople, le collége ne suffisait plus ; le prince Dimitrakis Mourouzis en créa un second à Couroutchesmé, sur le Bosphore de Thrace. Benjamin de Lesbos, qui joignait à la science du professeur le zèle et l’ardeur de l’hétairiste, après bien des combats soutenus et des difficultés vaincues, et secondé par Iconomos, démogéronte de Cydonie, parvint à faire bâtir dans cette dernière ville un collége, où l’on se rendit de tous les points de la Grèce. Corfou, malgré ses fortunes diverses, avait aussi ses collèges et ses écoles. Capo d’Istrias, né dans cette île, avait profité de l’influence qu’il exerçait sur ses compatriotes pour éveiller en eux le goût des études grecques. Plus tard, les Français, rentrés en possession des îles Ioniennes après le traité de Tilsitt, avaient organisé à Corfou une académie, où ont enseigné M. Charles Dupin et le capitaine Augoyat. Les désastres de 1815 et le retour des Anglais dans les sept îles y arrêtèrent brusquement le progrès des écoles. Cet état de langueur dura huit ans. En 1823, une décision formelle de Canning imposa à lord Maitland l’organisation de l’université de Corfou, que son mauvais vouloir avait jusque-là retardée. Au moment où Ypsilantis donna le signal de la guerre, trois écoles jetaient le plus vif éclat : c’étaient celles de Smyrne, de Cydonie et de Scio. Scio surtout, l’heureuse Scio, active et peuplée, enrichie par son commerce, fière de sa belle jeunesse, pouvait ouvrir à cinq cents élèves les portes de son collége, où enseignaient quatorze professeurs, sous la direction savante du prêtre Néophytas Vamvas, à la fois grammairien, chimiste, philosophe, et de plus excellent citoyen. Nous avons appris de M. Vamvas lui-même, aujourd’hui professeur de philosophie à l’université d’Athènes, l’histoire de son collége, qu’il raconte avec éloquence dans cette langue harmonieuse à laquelle la prononciation lente et la douce gravité de l’aimable vieillard donnent un charme particulier. On étudiait dans ces maisons, alors si pleines et si animées, désertes quelque temps après, toutes les sciences, les langues, le grec moderne et le grec ancien, à l’aide des volumes de la Bibliothèque hellénique publiés par Coray avec le secours des frères Zosimas. L’éducation y prenait son point d’appui sur les vérités religieuses. L’étude de l’antiquité y élevait les ames et réchauffait de plus en plus en elles l’amour de la patrie et de la liberté. M. le comte de Marcellus, parcourant le Péloponèse en 1820, fut témoin d’un fait qui met en lumière le rôle que jouaient à cette époque les écoles de la Grèce, et les moyens qu’on y employait pour exciter les courages et les préparer à de prochains combats. « Rentré dans Argos, dit-il[1], je passai près d’une école que nie fit reconnaître le bourdonnement continu des enfans, lisant et répétant tous ensemble, à haute voix, la leçon du jour. J’eus la fantaisie de pénétrer dans ce réduit des lettres grecques et d’inspecter la génération future des pauvres Albanais. Le didascalos (instituteur) me reçut fort poliment ; il me fit asseoir à côté de lui, et, pendant que l’on m’apportait une tasse de café, il me vanta beaucoup l’intelligence de ses élèves et un peu sa méthode d’enseignement. Il me montra

  1. Souvenirs de l’Orient, chap. XXIII.